Mangas
Tokyo, Ces Jours-Ci – Une Histoire de Passion et de Déclin !
Tokyo, ces jours-ci est un manga signé Taiyô Matsumoto, auteur reconnu pour des œuvres marquantes comme Amer Béton ou Sunny. Ce seinen, édité chez Kana dans la collection Made In, nous plonge dans l’univers introspectif et exigeant de l’édition manga à travers les yeux d’un éditeur en fin de carrière, Shiozawa.
Le Synopsis
Ce jour-là, Shiozawa, éditeur de mangas, a démissionné de son poste pour raison personnelle après trente années passées au sein de la même maison d’édition.
Mais cet homme, qui vit seul dans un petit appartement loin de l’agitation de Tokyo et qui parle à son moineau de Java, ne parvient pas à laisser tomber les mangas. Le voilà qui part retrouver les dessinateurs dont il s’est occupé par le passé.
Mon Avis
Une histoire de passion et de déclin
Le manga débute avec la décision de Shiozawa de quitter son poste après 30 ans dans l’industrie, à la suite de la fermeture d’un magazine qu’il dirigeait.
Cette décision marque non seulement la fin d’un chapitre pour lui, mais aussi un désenchantement face à un milieu qui ne correspond plus à ses idéaux. Pourtant, s’éloigner de cet univers ne se révèle pas si simple, et Shiozawa continue à graviter autour de ses anciens auteurs, tiraillé entre nostalgie et besoin de redéfinir sa place dans ce milieu qu’il aime profondément.
En nous plaçant dans la perspective d’un éditeur démissionnaire, Tokyo, ces jours-ci dévoile les rouages complexes d’un milieu où la passion se heurte souvent aux exigences du marché, constamment menacée par les pressions éditoriales et les attentes changeantes des lecteurs.
À travers des personnages variés, Taiyô Matsumoto explore les tensions intergénérationnelles entre une ancienne école, représentée par Shiozawa et des mangakas vétérans, et une nouvelle génération incarnée par Liliko, jeune éditrice ambitieuse. Cette confrontation souligne les évolutions du marché, les attentes changeantes du lectorat, et les sacrifices nécessaires pour rester pertinent dans un domaine exigeant.
Une mise en abyme subtile
Taiyô Matsumoto choisit d’aborder le monde du manga sous un angle rarement exploré : celui de l’éditeur, figure centrale mais discrète de l’industrie. Cette position exigeante est marquée par une relation ambivalente avec les auteurs, où franchise et respect s’entremêlent. Matsumoto met en lumière cette dualité avec une réelle tendresse, offrant un hommage appuyé à ces artisans de l’ombre.
Son désenchantement face aux évolutions de l’industrie souligne une réalité universelle : le conflit entre tradition et modernité, et le défi de rester fidèle à ses valeurs dans un monde en perpétuel changement.
Dans cette œuvre, Matsumoto ne se contente pas d’illustrer les défis de l’industrie. Il livre aussi une réflexion personnelle sur sa propre carrière et la place de l’artiste face au temps. Shiozawa et Aoki peuvent représenter eux même des fragments de l’auteur, illustrant ses questionnements sur la création et l’évolution dans un secteur où la passion peut être à la fois une force et un fardeau.
Graphiquement, Matsumoto reste fidèle à son style unique, influencé par les traditions du manga mais également par les auteurs européens comme Moebius. Dans Tokyo, ces jours-ci, il opte pour une sobriété visuelle qui amplifie l’aspect intimiste du récit. Les compositions sont travaillées, les visages expressifs, et chaque page semble nous invite à ressentir pleinement l’émotion des personnages.
En s’intéressant à l’envers du décor du manga, Tokyo, ces jours-ci transcende son sujet initial pour offrir une réflexion plus large sur le travail créatif, la transmission, et l’évolution des passions. Cette approche humaniste, portée par des dialogues justes et une grande tendresse pour ses personnages, fait de ce manga une œuvre touchante et accessible à tous, qu’on soit connaisseur de manga ou simple amateur d’histoires humaines.
Ce manga va au-delà de l’autocritique : il célèbre les passionnés, tout en soulignant l’importance de maintenir un équilibre entre fidélité à soi-même et adaptation à un environnement en mutation constante. Une œuvre introspective et mature, digne du retour d’un maître du manga, offrant une vision émouvante et lucide sur les défis et les beautés de la création artistique