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Japan Expo 2025 — Conférence Junji Ito
Le Jeudi 03 Juillet, lors de Japan Expo 2025, s’est tenu une conférence ouverte au public en présence de Junji Ito, interviewé par Ed le Fou. Cette conférence revient sur son enfance, ses premières oeuvres mais aussi ses peurs, ou encore son quotidien. Sans plus de suspense voici les secrets du maître de l’horreur.

Vous êtes né en 1963 dans un village du Japon rural, dans la préfecture de Gifu, avez-vous grandi là-bas ? Quel type d’enfance avez-vous eu ?
Je suis né à Nakatsugawa et j’y ai vécu jusqu’au lycée, je voyais souvent le mont Ena que j’appréciais tout particulièrement. J’ai grandi dans ce type de village avec des rizières, des rivières, et où la nature est foisonnante.
Au collège – lycée avez vous eu d’autre passion que le dessin ?
J’ai toujours aimé le dessin, je faisais des petits croquis, ou des maquettes de modèle réduit. Sinon je me promenais à bicyclette avec mes amis, parfois aussi en rollers.
Quel à été le déclic pour cette appétence pour l’horreur ?
Ça me plaît depuis l’enfance : le premier manga que j’ai lu est de Kazuo Umezu ! Je regardais aussi des films d’épouvante à la télé, même jeune.
Avant de devenir mangaka vous étiez prothésiste dentaire et à 24 ans, vous décidez de passer un concours manga ! Pourquoi et quelle histoire y présentez-vous ?
Après le lycée, je suis devenu prothésiste dentaire, je fabriquais des dentiers. Je rêvais de faire des mangas. Alors, j’ai voulu tester Le Prix Kazuo Umezu qui est un concours organisé par les éditions Asahi Sonorama au sein du magazine mensuel de prépublication Gekkan Halloween. Je voulais faire en sorte d’attirer l’attention du grand maître Kazuo Umezu. L’histoire que j’ai présenté c’était Tomie.

Pendant 3 ans vous continuez le métier de prothésiste dentaire en parallèle du métier de mangaka, puis en 90 vous quittez votre emploi pour devenir mangaka à temps plein. Est-ce que votre entourage vous a soutenu ?
Honnêtement, personne ne m’a conseillé de faire mangaka… mais on a qu’une seule vie. Le métier de prothésiste dentaire est difficile, je faisais des nuits blanches pendant lesquelles je préparais des dentiers. Puis, avec les mangas c’est devenu trop dur je maigrissais énormément. À un moment je me suis dis que j’allais mourir alors j’ai décidé d’arrêter mon travail.
Un ouvrage de vous très récemment sorti : Terroriser de chez Mangetsu, n’est pas un manga, que contient-il ?
Cet ouvrage n’est pas un manga mais un livre composé de texte de ma naissance jusqu’à mon arrivée en tant que mangaka, des choses personnelles. Des explications sur mes œuvres, on retrouve aussi des crayonnés de certaines de mes œuvres!
Quand on est le maître du manga d’horreur a-t-on une pression pour faire des mangas d’horreur ?
Alors heureusement dans mon entourage personne ne m’a mis la pression mais des fans »hardcore » (terme utilisé par le traducteur, ndlr) notamment sur les réseaux me mettent la pression… Enfin… je ne parlerais pas vraiment de pression car en réalité ça vient me motiver!

Qu’est ce qui fait peur à Ito Junji ?
Depuis l’enfance j’ai toujours été quelqu’un de peureux ! J’ai affreusement peur des cafards et des milles pâtes. En plus, il y’en a beaucoup à la campagne japonaise, et on en a de très grandes tailles! La maison où je vivais petit, était une maison de campagne, tout était grand ouvert l’été. Il y avait énormément d’insectes volants dans la maison.
Janvier 2023 vous venez en France et visitez les catacombes de Paris que gardez vous comme souvenir ?
J’ai toujours été intrigué par ces souterrains de Paris dont j’ai entendu beaucoup de rumeur, j’ai ce souvenir de ce tunnel avec tous ces squelettes humains ! Depuis les débuts de l’humanité combien de gens sont nés et morts, je me suis toujours demandé ça… et j’ai vu tous ces squelettes ! Ça m’a fait réaliser qu’il y avait eu énormément de personnes qui ont vécu avant nous, c’était un moment assez inoubliable.
Parlons un peu de Tomie, jeune fille assassinée par la folie humaine. Elle revient par la suite et c’est elle qui amènera autour d’elle la folie des hommes. Qu’est ce qu’est Tomie ? Subit-elle une malédiction ? Ou est-elle elle-même une malédiction ?
À l’époque où j’ai dessiné Tomie, c’était un moment au Japon où tout ce qui est horreur traitait du thème des fantômes. Je voulais prendre quelque chose de différent, ne pas avoir un être insaisissable, mais plutôt un être qui soit vraiment présent, qui est une âme, une enveloppe corporelle, mais pas pour autant un être humain. Tomie est donc plutôt un monstre. Je ne dirais pas, non plus, que Tomie est possédée ou maudite. Tomie, c’est une créature qui est hautaine, qui aime les marques chères. Et je voulais vraiment faire un manga d’horreur qui va droit au but…

Après Tomie, en 2024 vous sortez un nouveau chapitre Tomie Control, est-ce que vous prévoyez une fin, un épilogue à ce personnage ?
C’est vrai que Tomie, c’est un processus sans fin dès qu’elle est tuée, elle va ressuscitée, se multiplier. Donc je n’ai pas l’intention de dessiner une conclusion à son histoire. Je l’imagine plutôt continuer à se faire assassiner et se multiplier.
Elle apparaît pour la première fois il y a 38 ans, c’est devenu depuis, un personnage iconique de la pop culture. Pouvez-vous me dire les bons, et peut-être les mauvais côté quand on est le créateur d’un personnage aussi fort ?
C’est vrai que Tomie est l’œuvre avec laquelle j’ai fait mes débuts, j’y suis particulièrement attachée et je l’ai beaucoup travaillé. J’en suis assez fière de ce personnage. J’étais loin d’imaginer qu’elle serait aussi bien accueillie par les lecteurs. Je ne m’attendais pas à ce que des jeunes se cosplay plus tard en elle. Tomie c’est aussi un monstre d’une œuvre d’horreur, c’est un personnage qui est destiné à être tué encore et encore. Un personnage extrêmement négatif donc. Ce qui peut m’inquiéter par rapport à Tomie c’est de me demander est-ce qu’elle peut insuffler des idées négatives à ceux qui la lisent ?
On a toujours un peu de mal à imaginer votre quotidien, c’est quoi votre journée type quand vous êtes dans une phase de création ?
Avant de me marier j’avais une vie complètement déréglé le jour et la nuit était inversé. Une fois devenu père de famille, ça a tout changé. Maintenant, je me lève à 9h, je prends mon petit déjeuner, je fais la vaisselle, puis je prends mon vélo et en 5 minutes je suis à mon lieu de travail. Je travaille, je déjeune et je dessine mes mangas. Si jamais j’ai sommeil, je fais une sieste. Ensuite je me dis que je vais me renseigner pour mes histoires. Je saisis donc mon téléphone mais finalement je me retrouve à regarder des vidéos YouTube, au lieu de travailler… Alors je ne suis pas très efficace ! Enfin, je rentre et je travaille en général jusqu’à 2 heure du matin.

Avant d’être sur des scènes Japan Expo je présentais vos mangas sur YouTube, une question revenait souvent : par quoi commencer et pourquoi ?
J’aurais tendance à conseiller Tomie pour commencer ou Uzumaki (spirale ndlr). Mais moi, à titre perso je préfère les formats courts, j’ai une prédilection pour ces œuvres. Je vais vraiment travailler avec précision sur chaque œuvre en y apportant toute ma concentration. Donc c’est vrai que j’ai très envie que les lecteurs lisent ces histoires courtes sous forme de recueil.
Certains auteurs considèrent parfois, que l’une de leur œuvre était l’apogée de leur art, y a t il pour vous une œuvre qui marque votre apogée ?
Je vous disais à l’instant que j’aime beaucoup mes histoires courtes, il y en a deux que je citerais. La première date de 1994 : kubitsuri kikyuu – littéralement : le ballon de la pendaison. Ce sont des ballons qui ont le visage d’une personne et poursuivre cette personne dans le but de la pendre, car une corde est accrochée au ballon. C’était une époque où j’étais extrêmement prolifique et je me sentais bien dans ma carrière. L’autre histoire que je citerais date de 1997 Nagai Yume – littéralement : un long rêve. C’est l’histoire d’un homme qui fait un rêve interminable, je l’ai dessiné à une période où j’étais vraiment bien dans ma carrière !
Y a t’il une question qu’on ne vous a jamais posé et que vous auriez répondre au jour ?
Parallèlement à l’ouvrage Terroriser, Mangetsu sort un artbook, et un ouvrage qui s’appelle Suture. Il s’agit d’un ouvrage signé par Hirokatsu Kihara et les illustrations ont été effectuées par moi. Le manga vient de sortir en France, j’aimerais beaucoup que mes lecteurs le lisent!
J’ai une dernière question, aujourd’hui comment voyez vous le jeune mangaka que vous étiez ? Et si vous en aviez l’occasion auriez vous un message à lui faire passer ?
C’est vrai qu’une fois que j’ai fait mes débuts dans le manga, je ne me suis jamais arrêté, j’ai travaillé et encore travaillé. Je me suis concentré dessus, je me rends compte que j’ai fait énormément d’efforts ! Donc si je devais adresser un message au moi du passé : bravo pour tout ce que tu as fait et lui témoigner ma reconnaissance !
Une petite surprise est, alors, annoncée pour le public de Japan Expo : Crimson – Junji Ito.
Est ce que vous voudriez dire un petit mot de fin ?
C’est la 3e fois que je viens en France, je ne me suis jamais autant rendu dans un pays d’Europe autant qu’en France. C’est vraiment un pays que j’admire beaucoup, et j’espère que j’aurais d’autres occasions de revenir et de vous voir. Mais déjà, j’étais extrêmement heureux de pouvoir vous voir aujourd’hui et je vous remercie beaucoup de votre venue et de votre déplacement.

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