

Interview
Interview d’Arnaud Laurent, le comédien de doublage de Natsu dans Fairy Tail !
À l’occasion du salon annuel Japan Expo qui se tenait du 3 au 6 juillet, nous avons pu rencontrer Arnaud Laurent, le comédien de doublage de Natsu dans Fairy Tail, mais pas que !
Il a également donné sa voix à Toge dans Jujutsu Kaisen, Ban dans Seven Deadly Sins ou encore Dabi dans My Hero Academia, entre autres.


Je suis donc en présence de Arnaud Laurent, comment vas-tu ?
Eh bien ça va très bien. Un peu fatigué. Ils (Japan Expo) m’ont programmé plein de trucs à faire et c’est ce que j’adore, mais du coup c’est vrai que ça s’enchaîne bien.
Aujourd’hui, on va parler de ton métier et des personnages que tu as interprété notamment Natsu, parce que la France te connaît surtout pour ce héros. Tout d’abord, depuis combien de temps tu fais du doublage ?
Alors, j’ai commencé à démarcher pour pouvoir faire du doublage en 2006. Donc ça fait quasiment… ça fera bientôt 20 ans que j’ai commencé à faire ça !
Waouh ! Tu as vu des évolutions dans le métier depuis que tu as commencé jusqu’à aujourd’hui ?
L’évolution, elle est plus au niveau qu’il faut être toujours de plus en plus efficace, faut aller toujours de plus en plus vite. On a de moins en moins de temps, de moins en moins de budget. Sinon, par contre, dans les points positifs, c’est au niveau du travail en lui-même : dans l’interprétation, dans le jeu, on fait beaucoup plus attention maintenant à la culture japonaise dans le cas des animes. Par exemple, moi j’ai été élevé par le Club Doroté et à l’époque on savait même pas que c’étaient des animes, on appelait ça des dessins animés. Ils édulcoraient tout, ils utilisaient des noms occidentaux pour les désigner : les Olivier Tom, les Jacques, les François,… Et là vraiment depuis les années 2000 et puis surtout de plus en plus maintenant, il y a un vrai savoir-faire au niveau du jeu aussi, de savoir comment jouer les animés, de comment aborder les fameuses réactions, les façons de crier tout ça. Et aussi, il y a un vrai respect de la culture japonaise, des noms japonais et donc au niveau de ça par contre, c’est une belle évolution je trouve !
Est-ce que tu peux nous donner le déroulement d’une journée type quand tu travailles et que tu vas doubler sur un animé ?
Alors on arrive en général aux alentours de 9h30 au studio. Après ça dépend de comment on est convoqué parce qu’en fonction de la quantité de texte et du personnage qu’on fait, des fois on peut être convoqué 1h, 2h, parfois une journée entière. C’est variable. Si par hasard on prend une journée qu’on a la chance d’être une journée entière, donc avec un personnage important qui parle beaucoup, comme c’était mon cas à l’époque de Natsu, souvent je faisais 24 épisodes en une journée.
Ce n’est pas un peu rush ou ce sont des conditions normales de travail ?
Si, effectivement ! Comme je disais, de plus en plus efficace, de plus en plus un peu contraignant – on veut faire des économies ? – oui voilà, des économies. Et donc en gros ben j’arrivais à 9h30, alors là, je savais ce que je doublais, mais très souvent on ne sait pas encore ce qu’on va enregistrer. On le découvre sur le moment. Le directeur artistique, qui nous a convoqué, nous dit : « Voilà, alors c’est telle série ou tel film, tel animé, c’est ce personnage que tu vas faire. » Certaines fois, ils vont l’expliquer : « il se passe ça, il lui arrive ça« . D’autres fois, ils vont dire : « Bah, on y va ! » Et puis en fait on découvre au fur et à mesure.
On va faire boucle par boucle. Ce qu’on appelle des boucles, ce sont des petites scènes de 1 minute, 1 minute 30 qui résultent de l’épisode qui a été divisé. Et on va faire boucle par boucle, toutes les boucles où il y a notre personnage, on va les faire les unes après les autres. On en fait une, on regarde la version originale, on écoute bien, on regarde l’image, la fameuse band ritmo qui défile en dessous avec le texte. C’est là où on découvre le texte, on découvre comment ça se passe, qui il y a à jouer, tous les détails techniques auxquels il faut faire attention. Donc là, on fait un visionnage. Une fois qu’on a fait le visionnage, on coupe le son complètement dans le studio. Il y a plus que le comédien qui parle. Il y a plus les musiques, il y a plus rien. Vraiment, on enregistre dans un silence complet pour avoir que la voix. Et ensuite, cette voix française qu’on vient d’enregistrer, est rajoutée à ce qu’on appelle la ‘VI‘, la version internationale, qui est en fait tout ce qui n’est pas la voix : ça va être tous les bruitages, les musiques, qui va être utilisé dans tous les pays. Et donc cette voix française avec la VI va faire une petite version française d’une scène. On l’écoute. Si c’est bien, on passe à une boucle suivante. Si c’est pas bien, on la refait aussi souvent qu’il le faut. Et voilà. Et on fait ça toute la journée. On fait boucle par boucle par boucle et à la fin de la journée, on a enregistré tout notre rôle.
Et concrètement, tu as les scènes dans l’ordre ? Est-ce que tu vois tous les épisodes en entier ou vraiment juste ce que tu vas doubler ?
Vraiment que les parties de mon personnage.
Est-ce que c’est contraignant quand tu dois doubler quelqu’un, de ne pas avoir, peut-être, tout le contexte ?
C’est pas contraignant dans le sens où c’est notre travail, on a appris à le faire et c’est aussi pour ça que le doublage est très particulier à l’inverse du théâtre ou des film où on va avoir des mois pour préparer un rôle. Là, vraiment le doublage, c’est de jouer ce qui se joue dans la scène. Si tu joues vraiment ce qui se passe dans la scène, tu peux pas te tromper sur ce qui se passe avant et après parce que tu auras joué la même chose que ce qui a été fait au départ. Et donc vraiment il faut se concentrer là-dessus. Parfois, effectivement, s’il y a un truc que tu comprends pas parce que c’est un peu compliqué, tu peux demander au directeur artistique, qui lui a vu tout l’épisode, et il te dira : « Oui, alors là en fait, il s’est passé ça, son papa est mort », des trucs comme ça, ou alors « c’est toi le méchant, c’est pour ça que tu parles comme ça » et ça peut t’aider. Mais après, c’est vraiment cette force là qu’a le doublage, c’est de jouer ce qu’il y a à jouer et logiquement, en général, ça passe.
Par contre, ce qui est drôle c’est qu’effectivement, je ne vois que les scènes de mes personnages et parfois quand je regarde la série, bah je comprends plein de choses que j’avais pas compris avant parce que j’ai joué des choses sans comprendre ce qui se passait et après je fais « Ah ok, c’est pour ça que j’ai dit ça. » Et voilà, donc ça c’est rigolo !
Est-ce que ça a été le cas avec Fairy Tail du coup ?
Fairy Tail pas trop parce que, je vais me faire engueuler, mais j’ai pas regardé Fairy Tail. J’ai regardé genre quelques épisodes au début et les cinq derniers pour voir un peu le résultat et voilà. Mais sinon non. Par exemple, ça me l’a fait sur 13 Reasons Why, où je doublais Alex. Et ben en fait comme j’avais bien aimé la série, bon je l’ai regardé en VO. Je suis un très mauvais camarade !! Même si on est beaucoup à le faire.
Un comédien de doublage français qui regarde ses séries en VO ? Etonnant ! C’est juste par principe car tu ne veux pas t’entendre ou ça n’a rien à voir ?
Non, ça rien à voir. J’aime bien m’entendre. Des fois même je vais aller écouter pour entendre le résultat par curiosité, voir ce que ça donne. Mais sinon, c’est plus que moi c’est comme ça que je le ressens. J’aime bien, surtout sur une série live-action, voir le jeu de l’acteur original et parce que j’ai envie de voir ce qu’il a créé à la base. On essaiera toujours de faire au mieux pour ressembler à ce qu’il a fait, mais il y a une authenticité qu’on ne pourra pas avoir. Des fois, on s’en sort très bien et les VF sont de très bonne qualité, mais moi, un peu en tant que puriste, car j’aime beaucoup le cinéma et les séries, j’aime bien voir le jeu de l’acteur original : comment il l’a créé, les indications du réalisateur, l’accent aussi des fois, parce que du coup en VF on perd les accents anglais, les accents irlandais, etc…
Vous avez des indications par rapport à ça justement ?
Non, en général, il faut que ce soit le plus « accent français normal ». Il faut pas qu’il y ait de différence au niveau des accents. À la rigueur avec les anglais, le petit truc qu’on va nous dire c’est essayer de le faire un petit peu plus… – Bourgeois ?– Ouais, voilà exactement ! Mais sinon les accents on peut pas jouer là-dessus malheureusement.
On va revenir un peu aux animés et à Fairy Tail notamment. Natsu est du coup le personnage pour lequel on te connaît le plus. C’est quoi le lien que tu as avec ce personnage après l’avoir doublé pendant des années ? C’est quoi ton rapport à Natsu ?
Je le dis souvent, Natsu, ça a été une belle rencontre, dans le sens où c’était le premier rôle important qu’on m’a confié. C’était un rôle que je rêvais de faire depuis gamin car c’est un rôle de héros de shonen. Ayant été élevé avec les Chevaliers du Zodiaque ou Dragon Ball… pouvoir crier un pouvoir, c’était un rêve de gamin que j’ai réalisé. Donc tomber sur ce rôle là, en plus, il réunit tout ce que j’aime dans un héros de shonen qu’on retrouve un peu dans Nicky Larson. Ce côté il est complètement débile, il dit n’importe quoi et puis d’un coup dès qu’il est dans l’action par contre il a un charisme de ouf et il déchire tout. Ça c’est quelque chose que j’adore. À jouer, c’est super intéressant aussi. Et au-delà de ça, dans le métier, des fois, il y a des rôles qui seront plus difficiles à atteindre que d’autres parce qu’il va falloir les composer. Des rôles qui sont plus loin de nous. Et des fois, il y a des rencontres, ce que j’appelle des rencontres, c’est qu’il va y avoir des rôles où c’est une évidence ! Objectivement, notre voix a été faite pour ce personnage. On a rien à faire. On a juste à jouer les intentions. Donc il va falloir être dans la même énergie. Il va falloir donner, il va falloir crier. Mais on n’a pas à composer. Moi, Natsu, je regarde ce qu’il fait, j’y vais. Et c’est moi… En fait, Natsu, c’est moi ! J’ai pas besoin de réfléchir à ce que je fais.
On peut dire que tu t’identifies un petit peu à lui aussi ou pas à ce point ?
Pas vraiment identifié, parce que bon c’est quand même un univers différent, mais en fait même pas jusque là. C’est juste que c’est moi. J’ai pas besoin de réfléchir et au fur et à mesure des années en plus c’est devenu… je l’appelle un peu mon âme sœur dans le doublage, c’est mon meilleur pote, c’est mon meilleur ami. Quand je le retrouve je sais comment il va réagir je sais ce qu’il va faire, je le connais par cœur ! Pour moi, ça a été ma belle rencontre effectivement dans le doublage en tant que personnage.
Natsu, c’est quand même un personnage qui est connu pour brailler énormément. Il déborde d’énergie. À quel point c’est difficile de doubler un personnage qui finalement est tout le temps en action, qui a tout le temps la voix qui part dans tous les sens ? Je pense qu’on te le demande souvent, mais est-ce que tu finis la voix cassée en fin de tournage ?
Ouais. à l’époque où je faisais les 24 épisodes dans la journée. À la fin de la journée, alors j’avais pas la voix cassée, je me suis jamais cassé la voix, mais la voix était très fatiguée. Je le sentais, elle était raillée. Je n’aurais pas pu enregistrer autre chose derrière. Mais, c’est un personnage tellement chouette. Il est très proche de moi et moi j’ai naturellement aussi beaucoup d’énergie donc voilà, je peux mettre cette énergie dedans. La seule difficulté, c’est un peu au niveau de la voix, effectivement, de réussir à économiser sa voix. Maintenant, je me rends compte qu’en vieillissant, entre le moment où j’ai doublé les derniers Fairy Tail et là où j’ai doublé la Quête de 100 ans, à l’époque, je faisais 24 épisodes en une journée. Là, j’en ai fait 8 et on faisait que par session de 8 et j’étais mort à la fin. Donc je sens que l’âge fait que j’ai un peu moins la force et l’énergie que j’avais à une certaine époque pour assurer aussi bien. Je suis lessivé à la fin des 8 épisodes, là j’étais mort, j’en pouvais plus.
Mais est-ce que les personnes avec qui tu travailles respectent ça et du coup ne vont pas t’imposer de faire plus d’épisodes ?
Bah s’ils m’imposaient, je le ferai, je serais obligé de toute façon, je n’aurais pas le choix. Mais il se trouve que les conditions ont un peu évolué, qu’on va moins dans ce côté-là, en tout cas pour cette série là. On a fait plus de temps pour enregistrer, ce qui est bien et ce qui ce qui m’allait bien aussi.
Et toujours pour rester dans l’animé, c’est vrai que tu le disais un peu au début, ils ont vraiment des expressions très marquées, parfois des bruitages très typique qu’on entend vraiment beaucoup dans les animés. Est-ce que ça c’est un truc que tu fais? Et si oui, comment est-ce que ça tevient ? Comment tu as réussi à travailler ce côté-là ?
Alors moi je pense que je fais partie de ceux qui ont un avantage, c’est que avant de doubler dans de l’animé, j’étais très fan de manga et d’animé donc j’en avais regardé énormément et en VO ! En tout cas les derniers, pas forcément les premiers que j’ai regardé en VF, mais les derniers : Naruto, Bleach, je les ai défoncé en VO. Et donc en moi, il y a cette culture de la réaction du jeu japonais qui fait que faire un cri qui monte petit à petit, ça c’est un truc que je savais faire parce que j’en avais tellement bouffé que c’était en moi, c’était imprégné en moi. Après, il y a des comédiens, qui sont plus habitués à doubler dans des séries et des films. Quand ils arrivent dans des animés, ils sont perdus parce que justement, ils ont pas ces codes, ces façons de jouer, ces réactions. C’est tout bête, mais c’est quelque chose que si tu ne sais pas le faire, c’est quelque chose que tu ne fais pas dans la vie de tous les jours. Donc il faut apprendre à le faire, en fait !
C’est une super transition pour ma prochaine question qui est que donc tu as eu l’occasion de faire de l’animé, mais également des séries live action. Il y a eu notamment Pretty Little Liar, Mentalist, mais aussi tu as joué Léo Fitz dans les Agents du SHIELD… C’est quoi la principale différence entre quand tu fais du live action et quand tu doubles un animé ?
Alors il y a plusieurs petites différences. La base est la même, ce sera toujours du jeu. Si on va dans les différences, l’animé ça va être, ce que j’appelle moi, des émotions très sincères mais complètement exacerbées. Des ruptures d’émotions : c’est soit on pleure à fond, soit on est complètement joyeux. Il y a toujours une espèce de, moi ce que j’appelle une espèce de petite bulle d’énergie à avoir qui fait qu’on sera toujours un petit peu au-delà de ce qu’on serait dans la vie de tous les jours. C’est ça qu’il faut réussir à tenir et après il y a beaucoup de ruptures, ça va dans tous les sens, faut vraiment réussir à gérer ça.
Quand on va doubler du live action, en fait ça va être plus doubler la vie de tous les jours. Donc ça va demander un jeu beaucoup plus fin. Ça va demander de savoir aussi respecter ce qu’a fait l’acteur à la base et donc de se plonger en lui, d’être en empathie avec lui, de faire ce qu’il a fait et donc c’est beaucoup plus exigeant parce que c’est plus fin, plus précis. Et donc moi entre les deux, j’adore les animés, mais le challenge est plus difficile et donc plus intéressant pour des séries live-action.
Et quand tu parles de Leo Fitz, j’en parlais avec Natsu, mais Leo, c’est mon personnage tout confondu, mon comédien, mon acteur préféré. Celui que j’ai préféré doubler de tout confondu parce que l’acteur est exceptionnel. Ce qu’ils lui ont fait jouer au fur et à mesure des saisons, ils lui ont fait tout jouer. Il a une évolution incroyable. Quand on est comédien, c’est intéressant de pouvoir jouer plein de choses différentes. Et grâce à cet acteur-là, qui est pour moi un des meilleurs acteurs de sa génération et je regrette qu’on ne le voit pas plus parce qu’il est exceptionnel, il fait des choses mais incroyables. Pouvoir passer derrière lui et avoir la chance d’avoir ce challenge de réussir à le mettre en valeur, c’était un truc de fou ! Donc vraiment, j’ai adoré le doubler. Et lui pour le coup chacune de ces scènes c’était un challenge pour moi parce que c’était tellement bien en VO que je me disais « là, il faut pas que je me plante, faut que je fasse aussi bien que lui« . Donc c’était un vrai challenge ! Et quand j’ai vu le résultat là récemment, je me le suis regardé en VF. J’avais jamais vu en VF. Et objectivement, j’ai trouvé la VF cool quand même. – Du coup, tu es fier de toi et de ce que tu as pu faire ? – J’arrive à être fier. Il y a des fois, je suis très critique mais objectivement, j’arrive aussi à savoir me rendre compte quand les choses ont bien été faites et cette VF là en dehors de moi, tous les autres personnages, même les voix, le choix des voix qui a été fait par le DA, pour moi, c’est une des meilleures VF, elle est vraiment parfaite !
Deux questions en une : la première étant est-ce qu’il t’arrive d’écouter aussi les versions pas forcément juste originales anglaises, mais italiennes ou espagnoles, enfin ce qui se fait en Europe ou à l’étranger pour comparer ? Est-ce que tu as ce truc de d’aller voir un peu ailleurs pour voir ce qui a été fait ou pas du tout ?
Non, parce que je vais regarder les séries et les films espagnols ou italien de quand ils le sont à la base, donc quand c’est la VO – La Casa de Papel par exemple ? – Voilà. Exactement ! Mais c’est vrai que non, j’ai jamais été trop regardé le doublage en lui-même espagnol ou italien ou allemand. Je me suis pas trop intéressé à ça. J’avoue pour le coup, j’ai pas trop fait gaffe.
Après, c’est vrai qu’en France, on a quand même un certain prestige vis-a-vis de nos voix françaises. On est très fier de cette industrie là. Même à l’international, c’est reconnu comme étant une des meilleures. Ma question, c’est est-ce que tu as déjà eu l’occasion de discuter avec les vrais comédiens ? Donc, par exemple, peut-être l’acteur de Léo Fitz. Est-ce que tu as déjà rencontré tes homologues américains ou peut-être japonais ?
Léo, j’aurais adoré. Je le taguais sur Instagram quand des fois je mettais des petits extraits VF pour en me disant peut-être qu’un jour il le verra. J’ai fait pareil aussi avec Levi Schmitt que je double dans Grey’s Anatomy parce que j’aime beaucoup aussi cet acteur, mais il m’a jamais répondu. Curieusement c’est une autre actrice de la série qui a commencé à me suivre, je sais pas pourquoi. Donc c’est marrant, mais sinon non.
Le seul que j’ai réussi à rencontrer, c’est celui que j’ai doublé dans la dernière saison de Stranger Things, c’est Jason. C’est un enfoiré dans la série, mais il est ultra gentil en vrai. J’ai réussi à lui parler 30 secondes. Il m’a dit : « C’est génial ce que tu as fait. » Est-ce qu’il l’a fait à l’américaine du genre : c’est cool, ou est-ce qu’il l’a déjà vraiment vu ? J’en sais rien. Mais en tout cas, il était super gentil ! C’était un amour et voilà, c’était 30 secondes assez magiques. Et sinon non, mes homologues japonais, j’ai pas pu les rencontrer parce que c’est tellement des stars qu’ils sont intouchables au Japon. Par contre, j’ai eu la chance de rencontrer Hiro Mashima, le créateur de Fairy Tail et je l’ai même interviewé, je lui ai parlé, je lui ai fait un hurlement du dragon de feu en japonais. Il a été mort rire, il a adoré ! Il m’a fait un dessin spécial pour moi. Enfin voilà, donc c’était une belle rencontre.
Dans le milieu du doublage français, est-ce que tu as des noms qui t’ont inspiré ? Je pense peut-être par exemple à Brigitte Lecordier qu’on connaît énormément et qui est d’ailleurs très souvent à Japan Expo. Est-ce que tu as des noms où tu te dis « Ah ouais, je veux faire comme eux » ?
J’en ai plein parce que si j’ai fait ce métier, c’est grâce à tous ceux qui sont passés avant moi. Moi, j’étais amoureux de la VF. Je suis devenu très vite amoureux de la VF quand j’étais au collège, lycée. Je reconnaissais les voix. Je regardais à la fin des films, j’obligeais tout le monde à rester à la fin des films pour regarder le carton de doublage. Je repérais les noms et je suis devenu amoureux de ces comédiens de par les émotions qui nous transmettaient : de nous faire pleurer, tout ça. Et donc pour moi tous ces comédiens de doublage sont des références. C’est grâce à eux que je suis là aujourd’hui ! Je pourrais en citer plein mais effectivement Brigitte Lecordier, mais pour moi il y a par exemple Thierry Wermut, c’est la voix de Tintin dans les années 90 ou Dawson dans les années 2000 qui est très important. Un qui nous a quitté récemment, Éric LeGrand, qui a été pour moi un mentor. C’est grâce à lui que je suis là aujourd’hui puisque c’est lui qui m’a donné tous les conseils qu’il me fallait au départ pour pouvoir faire ça. Il a répondu à tous mes mails alors que j’étais insupportable. Quand je relis mes mails, je me dis : « Mais comment il a eu la patience de me répondre ?« . Il m’a tout expliqué. Il m’a dit : « Faut que tu fasses ça, ça ». Et alors après effectivement, j’ai fait ce qu’il m’a dit, donc c’est grâce à ça que j’y suis arrivé ! Mais s’il n’avait pas été là au départ, je serais pas là ici, aujourd’hui. Donc je lui dois beaucoup. Et il y en a d’autres, beaucoup d’autres…
En France, les animés sont de plus en plus démocratisés, de plus en plus appréciés, mais la place de la VF est encore un peu sensible. On voit souvent passer des remarques négatives de personnes très fans d’animé qui disent que la VF : ça sera jamais aussi bien que la VO, que c’est enfantin, que c’est nul… Il y a beaucoup de gens dans la communauté qui rabaissent le travail des comédiens de doublage. Comment toi tu vis tout ça ? Est-ce que tu as déjà été face à des gens comme ça ? C’est quoi ton ressenti là-dessus ?
Maintenant, je le prends avec beaucoup de distance. Mon ressenti là-dessus, c’est qu’on devrait laisser chacun faire ce qu’il a envie de faire. C’est-à-dire que les Pro-VO, si vous n’aimez pas la VF, ben vous regardez pas la VF, vous laissez la VF tranquille. Après aussi l’autre chose que je dis souvent, mais que ce soit VO ou en VF ou n’importe quelle série ou film avant de juger, regardez et ensuite faites vos critiques… constructives ! Le problème des réseaux maintenant, c’est qu’on va critiquer pour critiquer. Moi, je considère que je vais mettre un commentaire quand je trouve que le truc est bien. Si le truc est pas très bien et que ce que je vais dire n’a pas d’intérêt, ne va rien apporter, je vais rien dire. Je vais pas dire juste : « c’est de la merde ce que tu fais » parce que je trouve que ça n’a aucun intérêt. Ça ne va faire avancer personne à part blesser des gens.
Au moment de la sortie de Fairy Tail dans les années 2011/2012, le canal home vidéo de Facebook avait sorti deux premiers petits extraits pour annoncer que la VF de Fairy Tail allait arriver. On s’est fait descendre de ouf ! Moi j’étais comme un fou parce que c’était pour moi, mon premier gros rôle. J’avais vraiment la pression car je savais que c’était très attendu ! En plus, ils ont pris des extraits qui ont été faits pour les essais qui ont été envoyés au Japon. Donc pas le produit final, et des extraits pas très intéressants. Et quand j’ai vu ça effectivement, les commentaires m’ont fait beaucoup de mal… Pour moi c’était important et là on s’est fait vraiment descendre.
Ce qui est drôle, c’est que 1 an plus tard, on était élu meilleur VF de l’année par Animeland. Et ce, pour 2 ans de suite d’ailleurs ! Bonne revanche ! Mais c’est comme ça, c’est qu’il y aura toujours les pro-VO qui veulent que ça soit ‘authentique’ donc en japonais. Moi j’ai envie de leur dire : « Les gars, c’est un dessin donc que ce soit en japonais ou en français, à la base c’est un dessin donc on va le jouer différemment et chacun a sa préférence« . C’est une question d’affect, c’est une question de de sensibilité. Chacun aime ce qu’il a envie d’aimer. On se laisse tranquille, on accepte, on est tolérant envers la pensée de chacun. C’est juste que chacun a le droit de penser ce qu’il a envie de penser. S’il a envie de le dire, il le dit. Du moment qu’on reste dans le respect de la personne et qu’on évite de blesser les gens et puis après, il n’y a pas de raison que ça se passe mal. S’il y a des bons arguments, argumentez ! Et sinon bah restez sur la VO, personne vous oblige à aller voir la VF.
C’est une belle conclusion ! Je vais finir quand même avec quelque chose de plus sympathique. Il me semble que si tu avais pu doubler n’importe quel personnage d’animé, tu aurais aimé doubler Naruto. Est-ce que c’est le cas ?
Ouais, j’ai adoré Naruto ! C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu faire du doublage. Enfin, dans les derniers moments où j’ai pris ma décision et où j’ai écrit à Eric Legrand, Naruto venait de sortir et je lui ai dit : « Ah, j’adorerais doubler dans Naruto » et il m’a répondu par mail, « D’abord, tu vas te calmer. On ne choisit pas ce qu’on double« , en rigolant un peu, mais il m’a remis les idées en place. C’est grâce à ça justement qu’après j’ai pris les bonnes bases. Mais au-delà de Naruto, après je me suis fait un petit essai plus tard sur TikTok et je me suis rendu compte que la voix aurait pas été bien. Par contre je pense que sur Shikamaru, j’aurais pu faire un boulot vraiment cool. J’adore Shikamaru, c’est un de mes personnages préférés ! Et sinon pour le coup Ichigo dans Bleach, je pense que ça aurait pu vraiment être cool.
As-tu d’autres projets en cours par rapport au doublage d’animé. Est-ce qu’on peut en parler ?
Alors, on pourrait en parler s’il y en avait. En général, il y a une période un peu calme dans le doublage où il y a beaucoup moins de travail et moi ça fait longtemps qu’on m’a pas proposé de vrais nouveaux rôles. Si ! Dans les jeux vidéos, j’ai des petites interventions dans des nouveaux jeux vidéos. Mais pour le coup, eux, je peux vraiment pas en parler parce que les jeux vidéos… Tu peux rien dire du tout. Donc, il y a des trucs qui vont arriver en jeux vidéo mais en animé, malheureusement rien pour l’instant et mais j’espère que ça va bouger !
Dans les animés récents, il y a des trucs qui t’intéressent un petit peu ?
J’ai pas trop suivi. J’arrive pas à savoir trop ce qui va sortir. Donc je connais pas assez les choses qui qui arrivent pour le savoir. Mais si, j’adorerais être dans la nouvelle version des One Piece, les One Piece Kai qui vont arriver. J’aimerais avoir un rôle là-dedans. Ça, ça me ferait triper !!
On te le souhaite en tout cas ! Merci beaucoup Arnaud Laurent, de nous avoir accordé cette petite interview !
Propos recueillis par Ines-Scarlet et L’avis de Ben.

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