Interview
Interview de Christophe Geldron et Alexandre Louchet de naBan Editions
À l’occasion de la soirée de lancement du dernier titre édité chez naBan Editions (L’Aigle Écarlate et le Yéti), nous avons pu échanger avec Christophe Geldron (Directeur) et Alexandre Louchet (Community Manager et Chargé de production).
Pourriez-vous nous présenter naBan Éditions en quelques mots (Genèse, ligne éditoriale, types de mangas publiés, lectorat ciblé) ?
Christophe : naBan est née en 2019 sous mon impulsion. Après avoir été à l’origine de la collection manga de Black Box, j’ai voulu continuer l’expérience en proposant une nouvelle offre de mangas moins exploités en France.
De ce fait, naBan s’adresse majoritairement à un public adulte et jeune adulte, en proposant des titres sociaux, des thrillers, de l’humour, de l’aventure, de la romance… Le but est de proposer une offre autour de thèmes plutôt que de genres, avec la remise en avant d’anciens titres réédités (Old Boy) ou inédits (Destination Terra, Arion) mais aussi la promotion de toute une génération actuelle d’artistes au contenu divertissant, aux thèmes vraiment forts et qui appellent à la réflexion.
On peut citer Mazarian, Demande à Modigliani, ou notre dernier titre paru L’aigle écarlate et le yéti.
Pourriez-vous nous présenter les membres de l’équipe et leur rôle ?
Christophe : Actuellement, naBan repose principalement sur deux personnes : moi-même, qui gère l’ensemble de la société (achats, production, relation avec les imprimeurs) et Alexandre, qui au départ s’occupait des réseaux sociaux et des relations avec la presse, mais depuis un an, il a beaucoup travaillé à trouver certains titres, développer un lectorat davantage tourné vers les lectrices et pris en charge la production de ces mêmes titres.
Il ne faut évidemment pas oublier les prestataires avec qui nous travaillons tous les jours, traducteurs/traductrices, correcteurs/correctrices et graphistes.
Avez-vous des anecdotes amusantes à partager sur votre parcours chez naBan ?
Christophe : Il y a une petite réflexion que je reçois assez souvent auprès des personnes ne lisant pas de manga, c’est lorsque je leur dis mon métier. Beaucoup me demandent si je dessine moi-même les titres. Donc je dois bien préciser que je ne fais qu’importer des droits du Japon pour adapter en français. Et cela arrive souvent.
Sinon il y a toujours l’agréable surprise de voir certains titres marquer réellement les gens, au-delà de ce que nous pensions. C’est le cas avec un titre comme Demande à Modigliani, 17 ans, une chronique du mal ou Bosse ou crève !. Même si les ventes sont diverses, ce sont des titres qui continuent de faire parler, de se vendre mois après mois.
Alexandre : Pour ma part, j’aborderai effectivement le moment où on a pu rencontrer un jeune de 10-12 ans au FIBD d’Angoulême, totalement fasciné par les couvertures de Demande à Modigliani !. Il est arrivé avec sa famille pour leur dire qu’il voulait la série. En discutant, on découvre qu’il voulait faire des études dans le milieu de l’art et qu’il savait à peu près quoi. Au final, il est reparti avec l’intégrale de la série et il est revenu le lendemain pour nous dire qu’il avait déjà dévoré les premiers tomes et qu’il adorait.
Autre anecdote où j’étais partagé entre l’envie de rire et l’embarras : lors de la sortie du premier tome de Destination Terra… de Keiko Takemiya en librairie. C’était l’époque où nous n’avions pas encore la possibilité de faire appel à des correcteurs ou correctrices. Christophe et moi, nous avons relu plusieurs fois le tome 1 pour corriger les coquilles. Malheureusement, certaines ont subsisté dans le premier tirage et notamment une qu’on nous a remonté plusieurs fois : le « dealer » des Mü au lieu de « leader ». Forcément, dans le contexte, c’était assez cocasse.
Le marché du manga en France est très dynamique. Comment naBan Éditions se positionne-t-elle face à la concurrence des grosses maisons d’éditions ?
Christophe : L’important face à la concurrence, c’est d’apporter quelque chose d’inédit ou de singulier. C’est ce que nous tentons avec naBan, en faisant en sorte que chaque titre qui sort soit un événement dont les lecteurs/lectrices, les professionnels/professionnelles et les amateurs/amatrices de bande dessinée en général, vont parler.
C’est pour cela que chaque titre récent que nous proposons dispose de plusieurs niveaux de lecture, et que nous expliquons que les titres anciens font partie de l’histoire du manga, vendus souvent à des centaines de milliers (voire millions) d’exemplaires au Japon et ne sont donc pas réservés à une certaine élite mais bien à un lectorat populaire lors de leur création.
L’important est donc d’attirer l’attention, de permettre aux libraires de mettre en avant des titres différents mais qui sortent du lot et d’appuyer cela par une campagne virale efficace et amusante.
Comment faites-vous face aux défis du marché, comme la saturation des sorties ?
Christophe : Comme dit précédemment, il faut savoir se distinguer car il ne faut pas s’y tromper, du fait de leur puissance de frappe, n’importe quel titre random des 4 gros éditeurs (Glénat, Pika, Kana, Ki-oon) sera mieux mis en place que notre titre le plus important.
Il faut donc attirer principalement l’attention des libraires par la qualité de nos sorties.
C’est un long travail qui commence à porter ses fruits, même si des libraires non spécialisés ne nous connaissent pas encore.
C’est le propre des maisons d’édition indépendantes : elles doivent se singulariser pour assurer leur promotion et leur reconnaissance. Et peut-être que cela mènera les libraires à choisir nos titres plutôt que l’ensemble des titres des gros éditeurs.
Avez-vous un manga à faire découvrir qui vous ait marqué personnellement (Toutes maisons d’éditions confondues) ?
Christophe : On est souvent marqué par ses premières lectures donc je dirais RG Veda de Clamp, édité à l’époque chez Tonkam. Il y a quelque chose d’épique dans cette histoire mythologique, le traitement de personnages est complexe (parfois profonds, parfois drôles) et la fin m’avait vraiment marqué.
Alexandre : S’il y a bien une lecture qui m’a profondément marqué, c’est bien Le sablier de Hinako Ashihara, sorti chez Kana. C’est un titre qui m’a bouleversé par ses thématiques très fortes telles que le suicide, le deuil, l’acceptation de soi et le temps qui s’écoule avec une véritable force dans la narration et dans le dessin.
Sa lecture est terriblement absorbante et riche en émotions. Et chose qui m’a énormément plu également, c’est le fait de pouvoir voir les personnages grandir et pouvoir explorer les effets des événements passés sur leur vie d’adulte. Vraiment, c’est un titre à découvrir si ce n’est pas encore fait.
Quelles sont vos œuvres préférées dans le catalogue Naban, et pourquoi ?
Christophe : Pour naBan, je dirais 17 ans – une chronique du mal. Ce manga a réellement touché tous ceux qui l’ont lu, dans le bon sens. C’est une orfèvrerie d’un point de vue du scénario, où rien n’est montré mais donne au lecteur la possibilité de se questionner et questionner les comportements des protagonistes. C’est pour moi un chef-d’œuvre de narration.
Alexandre : Même si dernièrement j’ai adoré Mazarian de Sakumo Okada, je reste actuellement sur Demande à Modigliani ! d’Ikue Aizawa car c’est un titre que j’apprécie énormément pour sa justesse et son réalisme, pour les émotions qu’il a suscité en moi, pour son dessin original et terriblement communicatif. C’est une série qui peut sincèrement toucher tout le monde, même si on est pas issu du monde de l’art.
Quelles sont les sorties à venir et celle(s) que vous attendez le plus ?
Alexandre : Parmi les sorties à venir, nous vous inviterons à découvrir des œuvres captivantes récentes comme Anna et le Prince d’Albion d’An Ogura et COMIC ROOM dès le 5 avril, une série mêlant romance et complots dans un univers historique terriblement prenant, ou encore Vies d’ensemble – Au-delà des mots de Fumiya Hayashi dont le tome 1 sortira le 19 avril. Pour ce dernier, il s’agit d’un titre tranche-de-vie doux et introspectif, amenant à réfléchir sur les étiquettes et la force des mots que nous utilisons. Et le dessin de Fumiya Hayashi est d’une beauté !
En mai, nous aurons le plaisir de poursuivre la publication des œuvres d’Ikue Aizawa, artiste qui a marqué notre lancement avec Demande à Modigliani ! et dont nous adorons le travail. Après Bienvenue au café des chats ! , nous proposerons un autre de ses one-shot : Le chemin de l’amitié.
D’autres titres récents seront prochainement annoncés.
Du côté des titres plus « historiques » au Japon, nous aurons le plaisir de poursuivre la publication des œuvres de Yoshikazu Yasuhiko (ARION) avec l’arrivée de Venus Wars, dont nous lancerons un projet de précommande dans les prochains jours.
Il y aura également Kojiro du clan Fuma, un titre emblématique de Masami Kurumada, réalisé avant la saga Saint Seiya.
D’autres titres ayant marqué l’histoire du Japon seront annoncés dans les mois à venir.
En ce qui concerne les sorties qu’on attend le plus, c’est difficile car comme on a pu le dire plus haut, on sélectionne minutieusement nos titres qu’on a appris à chérir à leur lecture et en les travaillant. Donc forcément, on a hâte de tous les voir en librairies. Cependant, cette année, nous explorons de nouvelles thématiques et il nous tarde de voir l’accueil qui sera réservé au titre Anna et le Prince d’Albion que personne ne semblait connaître et qui pourtant suscite énormément d’intérêt depuis le début de notre communication.
Il y a également le titre Vies d’ensemble – Au-delà des mots qu’on affectionne particulièrement et dont nous avons hâte de voir les premiers avis. Et forcément, après plusieurs reports, nous sommes impatients de voir les premiers résultats de L’aigle écarlate et le yéti dont les deux premiers volumes viennent de sortir !
Des projets à venir ?
Nous sommes actuellement en train de voir pour un projet de publication assez inédit pour notre petite maison d’édition, dont on ne peut pas encore vous donner tous les détails mais qu’on espère pouvoir vous présenter d’ici juillet.
En plus de cela, nous sommes actuellement en discussion avec une des autrices que nous publions afin de rendre plus accessible ce qu’elle propose au Japon.