

Interview
Interview de Jay Skwar et Kim Jae Hwan, les auteurs d’« Egregor : Le Souffle de la Foi »
À l’occasion de notre rencontre avec Jay Skwar et Kim Jae Hwan, respectivement scénariste et dessinateur du manga Egregor : Le Souffle de la Foi, nous avons pu plonger dans l’univers riche et immersif de cette œuvre qui séduit de plus en plus de lecteurs.
Alliant un scénario complexe à un graphisme puissant, Jay et Kim forment un duo créatif dont la complémentarité donne vie à un monde fascinant, entre héroïc-fantasy et récits initiatiques.
Lors de cette interview, ils nous ont partagé leurs inspirations, leurs méthodes de travail et leur vision pour développer cet univers unique qui passionne leurs fans.




Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer l’univers d’Egregor ? Y a-t-il des œuvres ou des auteurs qui vous ont influencé ?
Kim Jae Hwan : Personnellement, j’aime déjà le genre heroic fantasy et quand j’ai reçu le scénario, j’ai tout de suite pensé à Game of Thrones !
En fait, l’ambiance était à peu près similaire et ça m’a donné quelques inspirations.

Jay Skwar : Je crois que les premières œuvres qui m’ont influencé, et presque parfois de façon inconsciente, c’est les œuvres avec lesquelles j’ai grandi !
Il y a eu bien sûr Dragon Ball qui a bercé toute mon enfance. Il y a eu aussi la saga de jeux vidéo The Legend of Zelda qui m’a, qui m’a vraiment suivi pendant toute mon adolescence, toute mon enfance, tout ça.

Je me suis rendu compte, après avoir commencé avec Egregor, que c’était vraiment des inspirations presque… complètement intuitives, avec des petites connexions, des petites références dont je me rendais pas compte en écrivant, mais seulement en re lisant par la suite.
Bien sûr, il y a eu aussi, dans la forme, un petit peu de Star Wars, par rapport au parcours initiatique du personnage principal, notamment la trilogie originale avec Luke Skywalker. Il y a aussi un petit peu… évidemment, Berserk ! Berserk, ça, c’est vraiment — je pense — l’inspiration la plus évidente qui vient, dont j’avais le plus conscience en écrivant, et encore aujourd’hui.

Comme disait monsieur Jae Hwan, bien sûr, il y a aussi Game of Thrones ! Game of Thrones pour les jeux de pouvoir, tout ça, c’est vraiment quelque chose aussi qui m’a beaucoup influencé !
Donc ouais, c’est vraiment les œuvres qui me viennent tout de suite là en parlant.. C’est les premières qui me viennent ! Donc voilà !
Jay, vous êtes un auteur français, Kim un artiste sud-coréen. Comment s’est passée votre collaboration à distance ? Aviez-vous une méthode particulière pour harmoniser vos visions ?
Kim Jae Hwan : Avec internet aujourd’hui, on peut travailler un peu n’importe où dans le monde.
Donc techniquement, il n’y a vraiment aucun souci. En plus, la direction scénaristique que Jay a prise ressemble beaucoup à la direction visuelle que je cherche à réaliser.
Donc on s’entend très bien et on collabore vraiment très aisément.
Jay Skwar : Je crois que j’aurais pas dit mieux, effectivement. C’est vrai que plus on travaille ensemble, plus on est en harmonie, plus on est en phase, et on se comprend de plus en plus de façon automatique.
Donc c’est vraiment super agréable de travailler avec Jae Hwan à ce niveau-là. Et en plus, il y a monsieur Park (le traducteur) aussi présent, qui est très modeste, mais qui nous aide énormément, qui est toujours là pour faire le lien entre nous, et il nous apporte aussi beaucoup de conseils, beaucoup d’idées.
Donc à nous trois, on est bien en symbiose, et franchement, on est super motivé à l’idée de continuer à travailler ensemble !
Pourquoi avoir choisi le format manga pour raconter cette histoire plutôt qu’un roman (comme initialement) ou une BD franco-belge ?
Jay Skwar : Moi, à l’origine, ouais, effectivement, j’écrivais Egregor sous la forme d’un roman parce que j’avais envie de mettre l’emphase sur le point de vue du héros, en point de vue interne.
« J’avais aussi vraiment envie de mettre en avant l’aspect graphique, un aspect plus visuel, avec une mise en scène forte et des personnages au design vraiment intéressant »
J’étais par exemple influencé par la saga littéraire de L’Assassin royal de Robin Hobb, où vraiment on voit le point de vue — enfin, toutes les pensées, toute la façon de concevoir le monde du personnage principal, Fitz — et vraiment, j’avais dans l’idée de développer toute l’histoire, tout l’univers à travers le point de vue de Foa. Un petit peu comme dans Le journal de Foa, qui est un bonus qu’on a sorti, ce qui m’a permis de renouer avec la première vision que j’avais d’Egregor.
Mais en l’écrivant, en développant le roman, je me suis quand même rendu compte que j’avais aussi vraiment envie de mettre en avant l’aspect graphique, un aspect plus visuel, avec une mise en scène forte et des personnages au design vraiment intéressant, design varié, on va dire.
« Je n’exclus pas, plus tard, de pouvoir développer d’autres histoires, d’autres spin-offs sous la forme de light novel«
Et du coup, c’est pour ça que j’ai commencé à chercher un dessinateur, et que de fil en aiguille, j’ai fini par travailler avec un dessinateur qui allait bien au-delà de mes espérances.
Et du coup, bon, j’aimais déjà en plus le manga à l’origine aussi, c’était quelque chose dont j’étais fan. Donc effectivement, j’étais vraiment content de pouvoir transposer l’histoire d’un roman à un manga.
Mais j’exclus pas, plus tard, de pouvoir développer d’autres histoires, d’autres spin-offs sous la forme de light novel, par exemple. Donc voilà, en quelques mots.
(Pour Jay Skwar) – Egregor est un récit choral, avec de nombreuses intrigues et des personnages aux trajectoires croisées. Cela évoque parfois l’univers dense de Game of Thrones. Est-ce une difficulté, en tant que scénariste, de gérer autant de personnages et d’arcs narratifs sans perdre en cohérence ?
C’est effectivement l’un des enjeux. Tu as mis le doigt sur exactement l’un des enjeux les plus difficiles dans l’écriture, parce que c’est vrai que devoir gérer plusieurs intrigues disparates comme ça, où les personnages, les cast de personnages, ne vont pas forcément se croiser entre eux… Elles vont avoir leur propre vie, leur propre culture, leur propre façon de penser, de vivre.
C’est très difficile, après, de réussir à gérer toutes ces différentes intrigues. Et même, on a dans l’idée, en plus, de les entremêler entre elles au fur et à mesure, pour pouvoir créer des points de jonction, des équipes qui pourraient être intéressantes pour l’histoire.
Notamment avec les quatre héros qui sont dispersés à travers la contrée dès le début de l’histoire. Mais c’est vraiment quelque chose auquel on tient, parce qu’on a vraiment envie de développer tout un univers, avec toutes les intrigues en parallèle, et de créer une espèce de — j’ai presque envie de dire — d’egregor, une forme de fusion, par la suite, de tous ces personnages, de toutes ces intrigues…
Donc ouais, c’est à la fois une difficulté et un plaisir de développer une histoire de cette manière-là. On tient vraiment à continuer dans ce sens.
(Pour Kim Jae Hwan) – Même question pour vous Kim, est ce une difficulté en tant que dessinateur d’inventer autant de nouveaux chara designs uniques ?
Avec un peu de recul, on se rend compte que j’ai fait beaucoup de chara-design. Mais sur le moment, en fait, j’essaie juste de trouver le personnage qui colle au scénario. Je ne ressens pas tellement de difficultés, c’est plutôt un plaisir.
Le titre Egregor évoque une entité collective issue de la pensée. Quelle est sa signification dans le contexte du manga ?
Jay Skwar : Dans le contexte du manga, ça s’éloigne un petit peu du contexte de base. Même s’il y a d’autres aspects qui vont s’en rapprocher… mais je ne peux pas trop en dire, on va garder la surprise, sinon on va spoiler (rires).
Mais c’est vrai que les égrégores, dans Egregor, sont des êtres un peu exceptionnels, qui sortent du lot. Ils sont hors du commun parce qu’ils sont capables de créer une nouvelle énergie en liant d’autres énergies qui sont, à la base, séparées.
Donc c’est vraiment un don que peu de personnages ont dans Egregor, et dont le héros, bien sûr. Et ce seront vraiment des personnages, à chaque fois qu’ils apparaîtront, qui seront marquants dans l’histoire. Ce seront vraiment des points forts, des focales très fortes dans l’univers d’Egregor.
C’est vraiment comme ça qu’on peut définir, sommairement, le terme des égrégores dans cette œuvre.
L’univers est très sombre et parfois brutal. Est-ce une manière de refléter des réalités humaines ou une volonté purement narrative ?
Jay Skwar : C’est un petit peu des deux. Il y a effectivement une volonté, oui… Le monde dans lequel on vit, je pense qu’on est influencé de façon latente par ce qu’on voit au quotidien, et effectivement, il y a des choses abominables qui se passent autour de nous. Je pense que ça nourrit à la fois notre inspiration, mais ça nourrit aussi notre envie de dénoncer ces choses-là, en les représentant à travers ce qu’on développe, à travers ce qu’on va créer.
Et effectivement, il y a aussi une volonté narrative de raconter une histoire qui est sombre, avec des enjeux dramatiques et des trajectoires qui vont se diriger dans des orientations très violentes et très dangereuses pour les protagonistes. On a tendance à vouloir les orienter vers des intrigues qui vont s’assombrir pour eux, à mesure qu’ils vont grandir.
Donc le récit va tendre vers un assombrissement progressif, sans non plus aller dans le crépuscule absolu. Ce sera peut-être pas du Berserk, mais voilà… on s’en approche.
(Pour Jay Skwar) Y a-t-il un personnage qui vous ressemble ou que vous avez particulièrement aimé écrire ?
Moi, j’aime beaucoup le personnage principal, tout bêtement. En fait, même les quatre personnages principaux, parce qu’ils ont vraiment ce potentiel en eux de grandir, d’évoluer. Du coup, ça fait qu’on s’attache beaucoup à eux à travers l’écriture. On va les suivre de leur enfance jusqu’au début de l’âge adulte, quelque part, parce qu’on tient vraiment à ce que plusieurs années se passent tout au long de l’histoire.
Donc vraiment, si je devais nommer les personnages qui m’intéressent le plus, auxquels je pourrais le plus m’associer, ce serait les quatre principaux. Maintenant, il y a plein d’autres personnages que j’aime beaucoup, qui sont intéressants à écrire. Des personnages qui ont des tonalités un peu de gris, qui sont difficiles à cerner, qui peuvent être ni totalement noirs ni totalement blancs, sont aussi super intéressants.
Je pense notamment au directeur de l’école des Égypes, le Rempart du Salut, donc Waren, qui est un personnage qui va être sans doute de plus en plus intéressant à développer au fur et à mesure de l’histoire. Et il y en aura d’autres comme ça, bien sûr… mais je veux pas trop en révéler.
(Pour Kim Jae Hwan) Et vous Kim, un personnage qui vous ressemble ou que vous avez particulièrement aimé dessiner ?
C’est difficile à dire. Je pense qu’il n’y a aucun personnage qui me ressemble (rires), mais c’est quelque chose que je répète à chaque fois : pour moi, c’est Foa qui est le personnage le plus important, et qui me plaît le plus, parce que c’est vraiment le personnage principal.
Et aujourd’hui, Foa est devenu un peu mon avatar, et il le restera, même si je deviens encore plus âgé. (rires)
Le récit mélange des thèmes sombres, une quête initiatique, des combats intenses et des réflexions presque philosophiques sur la volonté. Comment vous répartissez les rôles dans cette construction : est-ce que le scénario influence le dessin, ou parfois l’inverse ?
Jay Skwar : Ah, ça peut aller dans les deux sens, vraiment. Parce que c’est vrai qu’au départ, je vais envoyer le scénario à la base à Jae, on va en discuter, on va voir ce qui est le mieux. C’est même une arche narrative d’abord que je vais lui envoyer, pour qu’il puisse vraiment me dire ce qu’il en pense de prime abord.
Après, une fois qu’on se sera concertés tous les trois ensemble, on va commencer à concrétiser le scénario, et puis il commencera à dessiner les planches par la suite.
Donc je pense qu’on travaille vraiment ensemble pour développer tout ça. Mais le dessin lui-même peut vraiment beaucoup m’influencer aussi. Ils vont être tellement bien faits, tellement au-delà de ce que j’imaginais, que ça va presque me pousser à donner plus d’importance à tel ou tel personnage.
Donc il y a une véritable influence du talent graphique de monsieur Jae Hwan. Une vraie influence.
Kim Jae Hwan : (fou rire après avoir fait tomber le micro) – Quand je débutais ma carrière, j’en étais sûr et certain : c’était le dessin qui était le plus important (rires).
Mais au fur et à mesure, j’ai commencé à comprendre que finalement, c’est le scénario qui donne la vie à chaque personnage. Donc c’est le scénario qui prime. Le dessin est forcément influencé par le scénario. C’est comme ça.
Jay Skwar : Non c’est le contraire ! (rires)
Visuellement, Egregor impressionne par son sens du détail et sa mise en scène épique. Kim Jae Hwan, quels ont été vos défis artistiques sur ce projet ? Certaines scènes vous ont-elles donné du fil à retordre ?
Kim Jae Hwan : Chaque changement, que ce soit pour les personnages ou pour les lieux, est difficile à réaliser, parce que ce sont des personnages ou des lieux nouveaux, donc je ne suis pas encore vraiment habitué.
Mais à force de travailler dessus, je peux les réaliser avec beaucoup plus de facilité. Je deviens un peu… enfin je forme une entité avec ces personnages et ces lieux. Donc après, il n’y a plus vraiment de difficulté.
L’univers d’Egregor est dense, avec une mythologie propre, des langages, des royaumes… Aviez-vous déjà tout pensé dès le début, ou certaines choses se sont construites au fil de l’écriture et des tomes ?
Jay Skwar : Ça a été établi assez tôt dans l’histoire, la construction de l’univers, pour ne pas donner lieu à des incohérences sur certains aspects. Donc j’ai vraiment essayé d’établir un maximum de choses, un maximum d’éléments au niveau des différentes contrées, des différents royaumes. Il y en a même plusieurs qui ne sont pas encore apparus, et j’essaie de le faire de la façon la plus progressive possible, pour que ça ne paraisse pas trop confus, trop dense.
C’est pour ça qu’on va devoir développer l’histoire sur trois sagas, sur trois arcs différents, parce qu’il y a encore pas mal de choses à présenter dans l’univers. Et on tient vraiment à montrer un maximum de cultures différentes, d’univers différents. Il y a par exemple un peu l’univers de la piraterie qui est apparu, un royaume un peu inspiré de l’Indonésie également. Et bien sûr, tout ce qui est Europe médiévale.
Donc c’est vrai qu’on a envie de montrer un maximum de choses différentes, aussi exotiques que possible, mais on va le faire de façon progressive… pour pas que Kim Jae Hwan s’en prenne à moi (rires).
Avez-vous déjà une fin en tête pour Egregor ?
Jay Skwar : J’ai une fin en tête. Je n’en ai pas encore parlé (rires), mais il y a des chances qu’elle ne change pas. Sincèrement, il y a des chances qu’elle ne change pas. Mais on aura d’autres occasions d’en discuter tout au long du développement, de l’avancée.
Mais c’est vrai que j’y tiens. Je tiens vraiment à finir l’histoire de cette manière-là. C’est difficile d’en dire plus maintenant, mais vraiment, c’est une fin qui me paraît cohérente avec le début de l’histoire. Ça ferait une boucle, une belle boucle, je pense.
Donc j’espère pouvoir respecter cette base-là que je me suis mise en tête depuis pas mal d’années maintenant.
Nous en sommes actuellement au tome 14, disponible pendant cette Japan Expo, que peut-on attendre des prochains tomes ? Des révélations majeures à venir ? Sans trop spoiler évidemment, mais est-ce qu’on peut s’attendre à un tournant majeur dans les prochains tomes ?
Jay Skwar : (rires) Alors je vais encore me répéter, mais j’ai prévu quelque chose…. DE TRÈS FORT ! Mais je ne peux pas leur en parler encore (montre Kim Jae Hwan et rigole). Je ne peux vraiment pas encore en parler, parce qu’ils vont chercher à m’en dissuader, j’en suis sûr à 95 %.
Mais ça va être difficile à écrire. Sincèrement, ça va être très difficile à écrire. Je suis pas sûr qu’ils vont être très contents…
J’espère que les lecteurs ne vont pas être mécontents non plus. J’espère vraiment qu’ils vont pas mal le prendre, qu’ils ne vont pas trouver que ça fait un pied de nez, quelque part..
(Kim Jae Hwan se demande de quoi il parle)
Là, c’est une exclu, hein. Il n’était même pas au courant (rires). Mais je pense que c’est nécessaire. Donc on sera amené à en reparler, bien sûr. T’inquiète pas (rires).
Pour terminer, avez vous quelques mots pour nos lecteurs Français ?
Jay Skwar : Moi, le premier mot qui me vient, c’est : merci. UN GRAND MERCI ! Sans vous, on n’en serait pas là aujourd’hui… On est tellement reconnaissants, tellement contents qu’il y ait de plus en plus de lecteurs intéressés par ce qu’on fait. C’est inespéré, d’ailleurs !
Pour moi, c’est un rêve de gosse qui s’est réalisé : pouvoir travailler et vivre de ce que j’aime. Donc sincèrement, UN TRÈS GRAND MERCI ! Je ne cesserai jamais d’être reconnaissant envers les lecteurs. J’espère pouvoir continuer à plaire à ceux qui sont déjà là, et aussi en attirer de nouveaux dans le futur.
Donc voilà, tout simplement : merci !
Kim Jae Hwan : Peut-être que notre œuvre n’est pas encore à la hauteur de l’attente de nos lecteurs, mais nous allons faire de notre mieux pour répondre à leurs attentes ! Et MERCI BEAUCOUP !
Merci à vous, c’était super sympa ! Egregor, 14 tomes disponibles aux éditions Meian. N’hésitez pas à aller le lire, c’est INCROYABLE ! Donc foncez, allez lire Egregor, vous ne serez pas déçus !

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