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Interview

Interview d’Enaibi, la dessinatrice de « Horion »

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Lors de la dernière Japan Expo qui se tenait du 3 au 6 juillet, nous avons pu rencontrer Enaibi, illustratrice derrière le manga Horion, au côté de Aienkei.

Artiste aux divers talents, elle a su passer de l’animation, au manga en passant par la sculpture avec brio !

Retour sur notre échange !

J’ai vu que vous étiez autodidacte. Est-ce que vous avez des conseils pour en faire un métier ?

Déjà, de bien développer sa patte personnelle. Quand on est autodidacte, il y a beaucoup de gens qui ont tendance à être sous l’influence de certains auteurs ou de certaines tendances. Et l’une des choses qui est très importante quand on veut se lancer, et qu’on n’a pas de diplôme ou de choses comme ça qui attestent d’une capacité, c’est d’extrêmement bien développer sa patte personnelle.

« Quand on est autodidacte, il y a beaucoup de gens qui ont tendance à être sous l’influence de certains auteurs ou de certaines tendances. »

Donc, quand on est autodidacte et qu’on veut se lancer dans l’édition professionnelle, il va falloir trouver sa patte. Il faut passer beaucoup de temps à le faire et, surtout, il faut éviter de trop se comparer aux autres. Il faut vraiment rester sur son optique à soi, son but à soi, et chercher à combler ses propres lacunes. Tout ça, sans forcément penser que le profil qu’on a est le même que celui d’un autre, qui pourrait lui aussi être autodidacte.

Voilà, c’est vraiment un truc : se mettre la tête entre quatre murs et bûcher à fond son truc pour développer sa patte perso. Car, au moment où l’on va se retrouver en concurrence avec les autres autodidactes qui vont proposer des dossiers — surtout ces dernières années, on a vu que ça s’est drôlement développé, il y en a vraiment eu de plus en plus — la concurrence est forte. Donc il va falloir, non seulement être bon, mais aussi faire des trucs vraiment personnels qui se détachent.

Donc pour moi, un autodidacte, vu qu’il n’est pas formé à faire quelque chose de standard, sa force, elle va être dans ce qui le différencie des autres.

Comment est née la collaboration avec Aienkei pour Horion ?

Alors, ça remonte à assez loin. C’est quelqu’un que j’avais rencontré sur un salon de type Japan Expo. C’était d’ailleurs il y a 20 ans. On s’était rencontrés tout à fait par hasard, avec des groupes d’amis qui se connaissaient, mais on n’avait pas parlé ni de scénario, ni de dessin, ni de quoi que ce soit. On s’était juste dit : « Ah ben c’est cool, pour une prochaine édition, ce serait sympa qu’on se retrouve. » Donc on avait pris les adresses les uns des autres pour correspondre.

Et en fait, on s’est rendu compte, en échangeant, que lui, il écrivait drôlement bien. Et moi, en fait, comme je trouvais que ce qu’il écrivait, c’était super chouette, mais que j’avais pas ce niveau d’écriture, je décorais de plus en plus les envois que je lui faisais.

On s’est découvert qu’en fait, il avait une âme de scénariste et moi de dessinatrice. Les années ont passé comme ça, on est restés amis et tout. On a commencé à parler de ce qu’il aimait écrire, des personnages qu’il imaginait, etc. Et moi, je prenais beaucoup de plaisir à les dessiner, à les mettre en image. Car forcément, quand on écrit des histoires, l’un des trucs qui fait surtout plaisir, quand on est dans l’univers du manga, c’est de voir apparaître ses personnages. J’adorais faire ça, parce que j’avais pas spécialement des idées de scénario. Donc j’étais hyper inspirée par les siennes, et j’ai commencé à dessiner ses persos.

De fil en aiguille, en fait, on s’est dit : « Ah, euh, on pourrait faire un projet de fanzine qui reprendrait ces persos… enfin, des histoires que toi tu écris, et moi je mettrais tout en image. » Et c’est ainsi qu’est née la première mouture d’Horion. Elle est apparue dans les années 2000, où justement on avait fait un petit fanzine — enfin, qui faisait quand même 80 pages — avec des planches et du texte qui présentaient déjà des personnages qu’on retrouvera d’ailleurs dans le Horion moderne.

C’était l’époque où on avait nos études, le boulot, tout ça. Donc tout ça, c’est resté en arrière-plan pendant qu’on faisait le travail, les cours et tout. Puis, passé un certain stade, où j’ai travaillé dans une entreprise où l’on faisait du jeu vidéo et du dessin, on s’est dit : « Ah là, quand même, on commence à connaître les ficelles du monde professionnel pour les avoir côtoyées et tout. Ce serait peut-être carrément bien, en fait, de reprendre le projet qu’on a toujours développé en arrière-fond pendant toutes ces années, de lui donner un coup de jeune et de faire un dossier de présentation pour les professionnels. »

Et en fait, c’est comme ça qu’on en est arrivés là. On a fait ce dossier, on l’a envoyé aux éditeurs, et il a été pris tout de suite, dans les six mois. C’est comme ça qu’on a pu créer le nouvel Horion. Donc Horion, il remonte à super loin, il a beaucoup évolué, mais c’est toujours lui qui est arrivé à la fin chez Glénat.

Justement, entre le fanzine et maintenant, il y a eu quoi comme vraies différences ?

Bah déjà, graphiquement, il s’est passé tellement d’années… C’est plus du tout pareil. J’ai fait énormément d’expériences au niveau graphique, au niveau des mises en page, des plans caméra, tout ça.

J’ai beaucoup mûri. Entre le moment où on est étudiant et le moment où on est dans le monde professionnel, il y a beaucoup de choses qui changent.

Et le rapport aux éditeurs, les attentes des éditeurs aussi ont beaucoup changé. Donc, fut un temps, par exemple, on nous demandait beaucoup de faire du manga qui était assez hybridé avec la BD. Les éditeurs avaient toujours pris pour habitude d’exploiter le style européen. Et le manga de création, faut quand même bien le dire, il y a 20/25 ans en arrière, il n’en était absolument pas question. Donc, il y a bien eu deux ou trois tentatives, mais elles étaient un peu vues comme des ovnis. C’était pas du tout un label qui existait chez les maisons d’édition. Alors qu’ils commençaient déjà, quand même, à bien battre leur plein avec l’importation et la traduction de mangas. La création, c’était déjà plus difficile.

Donc après, ils se sont rendus compte qu’en fait, il y avait énormément de gens de notre génération — des personnes nées entre la fin des années 80 et les années 90 — qui s’étaient énormément entraînés. Du coup, le style est devenu beaucoup plus mature. Et par rapport aux fanzines, c’est devenu plus personnel. Il commençait à y avoir du développement personnel, des univers personnels, beaucoup moins de fanarts, de trucs comme ça.

Et pour moi, d’un point de vue auteur, la différence principale, elle va être très terre à terre. C’est que quand un éditeur nous gère, on n’a pas à faire toute la distribution, ces choses-là. Quand on fait du fanzinat, le souci, c’est qu’il faut penser à chercher où est-ce qu’on va faire imprimer, il faut qu’on ait la place pour les stocks.

C’est comme l’autoédition maintenant. Sauf qu’à l’époque, en plus, il n’y avait pas Internet, ni tout ça, développé comme aujourd’hui. Il n’y avait pas de sites exprès pour faire du print. Donc les fanzines de mon époque, c’était assez rude.

Donc la grande différence, déjà techniquement, avec la vie en édition, c’est que là, on a quelqu’un qui manage nos sorties, les promos, les trucs comme ça. Et puis après, d’un point de vue vraiment du bouquin : il y a mes premières moutures, elles n’étaient pas jolies, alors que maintenant, ça profite de toute l’expérience que j’ai eue. Et donc le bouquin est beaucoup plus beau que le fanzine.

Même scénaristiquement, il y a eu beaucoup de changements ?

Oui, complètement. On a tous mûri, on a tous grandi, on a pris le temps justement de réfléchir. Et puis, l’optique de le faire pour une plus large distribution que quand on fait du fanzine, ça permet aussi de considérer le lectorat. D’essayer de se projeter un peu plus que juste avec un cercle un peu fermé.

Le fanzine, à l’époque, c’était quand même des cercles assez fermés, où c’étaient vraiment souvent les fans qui parlaient aux fans. Alors que là, quand on fait du manga pour les professionnels, c’est beaucoup plus large, soudainement.Donc, on a pris de la bouteille, on est plus grands, on a vécu plus de choses dans la vie. Du coup, on n’appréhende pas la façon dont on va dessiner ou scénariser de la même manière.

« La motivation intrinsèque de départ, elle est restée exactement comme au départ. »

Par contre, pour ce qui est vraiment du fond, c’est-à-dire la motivation de départ et tout, ça n’a pas changé du tout.C’est juste vraiment dans la forme : on a appris à présenter les choses, à les rendre plus fonctionnelles. Donc il y a une différence, mais la motivation intrinsèque de départ, elle est restée exactement comme au départ.

Encore une fois, là c’est une chance : quand on travaille, nous, avec Glénat, ils nous laissent vraiment faire. Ils nous font vraiment confiance sur le développement du projet.C’est quelque chose qu’on peut demander à ne pas avoir, c’est-à-dire que, quand on est un jeune auteur, on peut demander à être supervisé et suivi par son éditeur.

Mais il se trouve que, nous, dans notre cas, comme le projet était bien étudié, notre éditeur est toujours là quand on demande, mais il n’est pas là à nous corriger ou à nous fliquer. Donc ça, pour nous, c’est OUI !

Pour Horion, vraiment, on a une super liberté, et ça, c’est hyper bien.

Il y a combien de temps à peu près pour la création d’un tome ?

Alors, normalement, c’est un an, mais il m’arrive souvent de dépasser un peu.Ça dépend de plein de choses : la vie personnelle, quand on est indépendant, des fois ça prend un peu le dessus, plus ou moins, sur le travail.

Comme j’expliquais plusieurs fois, quand on bosse en entreprise, on peut vraiment faire une distinction entre la vie personnelle et la vie professionnelle.Alors, ça n’a pas toujours des super avantages — la plupart du temps, d’ailleurs, ça n’en a pas. Comme je disais, on ne voit jamais chez soi, on ne voit pas sa famille, on ne voit pas ses animaux… Enfin, c’est très difficile.Nous, on n’a pas ces désavantages-là quand on est indépendant.

Mais par contre, la vie personnelle est beaucoup plus fusionnée avec la vie professionnelle.Comme on bosse à la maison, il arrive des fois que, sans réel gros événement, on soit extrêmement ralenti dans son travail.

Donc moi, en général, ça fait un an, parfois un an et demi entre chaque tome. Les trois premiers étaient sortis vraiment à un an d’intervalle — enfin, le premier et le deuxième, moins — après, on était rentrés dans un rythme de production un peu plus posé : c’était un an.Et quand il y a eu le Covid, là par contre, euh… j’ai mis plus. Le 5 est ressorti l’année d’après le 4. Mais par contre, là, pour le 6, normalement, il aurait dû sortir cet été, mais au final, il va être certainement pour la fin de l’année. Ce qui fera, du coup, plus d’un an.

Il y a des trucs, des machins, même pas des trucs énormes, mais qui font que c’est ralenti. C’est assez difficile, cette part-là du travail d’indépendant : justement, d’avoir une différenciation, enfin de réussir à se couper des problèmes, des soucis de santé, parce qu’on reste dedans, on travaille en étant toujours sur le même lieu.

Quand il y a quelqu’un qui ne va pas bien dans la famille ou quoi, bah, on est avec. Donc, des fois, c’est un peu difficile et ça ralentit le travail.

Il y en a qui arrivent très bien à le gérer, hyper bien. Moi, des fois, vraiment, pour le coup, ça déborde, et puis pendant une semaine, j’aurais pu rien faire. C’est pas bien.

Tiff : Du coup, les fans sauront à cause de qui ça traîne (rires)

Enaibi : Ah oui, mais de toute façon, ça ne peut être que moi, je suis en bout de chaîne ! (Rires)

Il y a beaucoup de personnages dans Horion. C’est environ combien de chara designs différents avant de trouver le bon ?

Oui, ça dépend des personnages, très honnêtement, c’est très aléatoire. Les premiers, qu’on voit d’ailleurs beaucoup dans le tome 1… alors pas pour les deux personnages principaux, qui eux ont été ajoutés exprès pour le projet de *Horion* moderne — comme je fais la distinction entre l’ancien et le moderne. Mais la plupart des personnages qu’on voit dans la cité de Landgrave — la cité principale, là où les personnages principaux se rendent — ont été repris du projet initial.

Donc eux, ça va, je les ai mis à jour, mais j’ai pas eu besoin de les refaire. Il y a des choses qui ont été revues selon mes goûts d’aujourd’hui et selon ma façon de dessiner d’aujourd’hui, qui a bien évolué quand même. Mais au moins ceux-là, j’ai pas eu à les refaire.

Pour les personnages nouveaux, très honnêtement, c’est très aléatoire. Il y a des personnages qui sortent vraiment très vite. Et il y en a d’autres, alors qu’ils apparaissent pas beaucoup, je galère pendant trois mois.

En fait, Aienkei, lui forcément, comme il écrit, il a une image du personnage. S’il faut qu’il le fasse vivre, il faut qu’il le connaisse. Donc il se fait un personnage dans sa tête, avec un caractère et tout ça, mais ça reste un fan de manga. Donc forcément, il a un genre de guide graphique dans sa tête pour voir ce personnage au moment où il écrit, pour s’imaginer ses scènes et tout. Simplement, après, moi quand je lis le script, c’est pas forcément exactement la même chose.

Ou alors, j’essaie de proposer quelque chose qui va justement sortir du premier standard auquel on aurait pensé. Comme il ne le représente pas, il n’est pas non plus obligé d’être précis. Il me dit : “Oui, c’est un personnage, il est comme ci, comme ça, je le verrais bien du coup avec plutôt une coiffe en pétard parce que ça correspond au caractère que je voudrais qu’il évoque tout de suite quand on le voit en image.” Mais des fois, moi je me dis : “Ah ouais, mais un personnage avec des cheveux en pics, j’en ai déjà un qui est comme ça. J’aimerais bien du coup varier mes motifs.”

Je suis quelqu’un qui aime énormément appuyer la caractérisation de ses personnages, mais jamais en tombant dans la caricature. Et du coup, parfois, mes premiers jets ne lui plaisent pas du tout.

Alors du coup, faut que je les reprenne jusqu’à ce qu’on arrive à la croisée des chemins — le moment où, entre sa vision et ce que j’ai envie de dessiner, ça correspond à peu près. Il y en a, vraiment, ça a été long, et il y en a, ça a été vraiment hyper rapide. Genre : “Oui, ben je vois un gars un peu sombre avec les cheveux machin”, paf, c’était Lupa — personnage d’*Horion*. Pour les fringues, j’ai fait le truc le plus simple, et en fait, c’était parfait.

Et il y en a d’autres où je me dis : “Moi j’aimerais bien les cheveux longs”, et il me dit : “Bah non, absolument pas des cheveux longs, faut des cheveux courts.” Alors on se galère pendant un quart d’heure pour choisir la longueur des cheveux. Juste ça déjà, et on n’est pas encore arrivé à la suite. Donc oui, c’est très aléatoire en fonction du personnage, ça.

Quelles sont vos sources d’inspirations de manière globale ?

Le problème, c’est qu’elles sont extrêmement globales. C’est-à-dire que même graphiquement, je ne suis pas quelqu’un qui ne regarde que du manga ou de l’animé. Évidemment, dans mon apprentissage, quand j’étais adolescente et que je commençais vraiment à dessiner en bûchant, j’ai regardé beaucoup de mangas et d’animés.

« J’ai pioché un peu dans tout ce qu’il y avait à cette époque-là, dans le sens où il y avait parfois des aspects techniques qui me plaisaient chez certains auteurs »

Le truc, c’est que moi, dans les années 90, c’était l’époque où il n’y avait pas autant de traductions de mangas en français qu’aujourd’hui. Et en fait, j’avais la chance d’avoir une sœur aînée qui faisait partie des pionniers de l’importation de mangas et compagnie — les premiers magazines, les premiers fanzines et tout. Les premières conventions, les trucs comme ça. Et ils faisaient de l’import un peu à l’aveugle. C’est-à-dire qu’on achetait des choses sans forcément les comprendre, parce qu’on n’avait pas l’âge d’apprendre le japonais encore.

Et donc, j’ai passé en revue énormément de choses parce que je les avais à disposition chez moi. C’était ma sœur qui avait une bibliothèque énorme, et puis ça défilait : il y avait du courrier, des correspondances, des tas de trucs. Et donc, j’ai pioché un peu dans tout ce qu’il y avait à cette époque-là, dans le sens où il y avait parfois des aspects techniques qui me plaisaient chez certains auteurs — des encrages, des façons de représenter les yeux, les cheveux, ou de texturer les décors et tout ça. Et donc, j’empruntais un petit peu à tout le monde.

Il y en a certains qui sont revenus plus souvent, il y en a d’autres sur lesquels je me suis attardée, mais que j’ai complètement abandonnés derrière, parce que finalement ça ne me correspondait absolument pas. Je trouvais que c’était beau en illustration, mais pour ce qui était des planches, ça ne rendait pas l’esprit que je voulais.

C’est comme ça que, du coup, je me suis beaucoup plus rabattue sur du shōnen que sur du shōjo.

La plupart des dessinatrices dessinaient énormément de choses très shōjo quand on faisait du fanzine. Moi, je n’étais pas du tout de cette catégorie-là. Je voulais vraiment apprendre à dessiner des corps plus que des visages jolis ou des cheveux jolis. Je voulais savoir dessiner les mains, les pieds, les machins. C’est ça qui me passionnait : les pantalons, les machins, les bidules… Savoir la tête des personnages, c’était vraiment assez secondaire.

Donc ouais, voilà, je me suis encore perdue.

Ça a presque embrayé un peu sur une autre question, parce que j’allais demander s’il y avait une référence particulière dans le manga ? Genre un mangaka ?

Bah en fait, en termes d’esprit, il s’est trouvé qu’avec Aienkei, on s’était bien trouvés là-dessus.

Mais si vraiment, je parle de quand j’avais 12 ou 13 ans, moi, le truc qui me passionnait, c’était Yoshihiro Togashi, l’auteur de Hunter x Hunter, qui, à notre époque à nous, dessinait Yu Yu Hakusho. Et ça, j’aimais beaucoup, parce que c’était un gars qui faisait du shōnen — et toujours encore aujourd’hui — mais un shōnen qui est bizarre.

Ce qui est assez bien, en le prenant en exemple, c’est que c’est quelqu’un qui ne dessinait pas spécialement hyper bien, mais qui faisait beaucoup de personnages très variés, très mignons. Alors techniquement, ce n’est pas quelqu’un qui va m’apporter énormément de choses, mais dans mon graphisme, par contre, ce décalage qu’il y a entre ses persos mignons et les trucs abominables qui leur arrivent… Et tout ça reste du shōnen, mais franchement, des fois c’est borderline. Je trouve que c’est une super source d’inspi.

Dans le sens où si Horion pouvait — non pas être pareil — mais éveiller le même sentiment auprès des lecteurs que ce que lui a réussi à nous insuffler, à moi et à Aienkei, je serais ravie. J’adorerais que ça corresponde. Donc c’est vrai que ce gars, c’est un peu le mangaka dont l’état d’esprit m’influence, dans le sens où j’ai adoré sa façon de travailler et d’aborder le manga.

Justement, où il se dit : « Ouais bah c’est pas grave, des fois c’est pas bien dessiné, mais on s’en fout, c’est l’histoire qui compte. » Je trouve ça hyper kiffant, en fait.

Un projet manga en solo vous intéresserait ?

Non, je ne pense pas. Déjà, quand j’étais adolescente, je m’étais bien rendu compte que, pour avoir un super bon niveau de dessin, il faudrait que je mette l’histoire de côté. Parce que ça prend énormément de temps de se développer personnellement. Alors, j’ai quand même mes bases, je pourrais faire un truc normal et qui serait beau.

Mais des choses qui ont des histoires normales et qui sont belles, des mangas comme ça, il y en a déjà pléthore. Le but, c’est pas juste de faire l’exercice de dessiner. J’ai vraiment envie de faire vivre des personnages qui sont intéressants, et je ne me sens pas à la hauteur, en fait, de faire ça.

Je pourrais éviter les gros pièges, parce que voilà, maintenant je suis plus cultivée sur le scénario, le cinéma, les trucs comme ça. Aienkei, c’est quelqu’un qui se renseigne tout le temps et qui nous fait voir des choses régulièrement — voire tous les jours — sur le cinéma, des documentaires… justement pour éviter les gros pièges. Donc ça, ça irait.

Mais très honnêtement, je ne pense pas que ça casserait la baraque. Donc euh… non, tant que je peux continuer de travailler avec quelqu’un qui est largement supérieur à moi en écriture, je préfère largement.

Alors, j’ai vu que vous aviez déjà travaillé sur des celluloïdes des personnages d’Horion et des animations. Est-ce qu’il y aurait un projet d’animé dans les tiroirs ?

Alors ça, je ne peux rien certifier du tout. En soi, officiellement non. Si ça avait été le cas, je l’aurais déjà annoncé avec fracas. Mais par contre, c’est vrai qu’étant donné qu’on a constaté qu’il y avait certaines licences, ou en tout cas des auteurs de manga en France, qui commençaient justement à avoir des studios qui s’intéressaient à leur cas…

Moi, évidemment, comme beaucoup de jeunes de quand j’étais ado, les animés, j’aimais autant ça que les mangas papier. Et un des grands kiffs qu’on a toujours eu, c’était de s’imaginer nos persos : comment ils rendraient s’ils étaient travaillés pour être adaptés en anime.

Et j’adore cet exercice. C’est pour ça que j’ai fait mes chara designs, les fiches de model sheets pour les personnages.

Tiff : C’est tout prêt.


Enaibi : Ah oui, ils n’ont qu’à signer ! Moi, c’est bon, je peux filer tous les dossiers, tout est là. Mais rien d’officiel du tout.

Par contre, oui, l’exercice en lui-même me plaît. Je ne fais pas d’animation. J’ai fait des petits trucs en sketch et autres, mais les plus jolies choses, ce sont des gens qui travaillent dans l’animation qui nous les avaient soumises.

C’est toujours un grand kiff de les voir. Et justement, ça permet de tester, de voir un peu à quoi ça pourrait ressembler. Je trouve que ça pourrait être un plus, effectivement, si un jour quelqu’un de sérieux, ou en tout cas de volontaire à lancer une série, se disait : “Ah tiens, ça pourrait donner quoi là ?” Il y a des petits exemples et tout. Je me dis que c’est pas mal. C’est peut-être convaincant.

Ça vous intéresserait de travailler avec quel studio par exemple ?

Alors malheureusement je ne suis pas une grosse calée en studio, mais sinon Fortiche (studio derrière Arcane) !

Tiff : Moi je pensais à La chouette compagnie.

Enaibi : Non mais c’est bien aussi ! Mais je pense à Fortiche, parce qu’ils ont une scène dans Arcane qui est complètement reprise d’un chapitre du dernier tome d’Horion qui est sorti. Alors, on avait déjà remarqué des similitudes passées sur la saison 1.
On s’est donc dit qu’il y a quelqu’un qui lit Horion dans l’équipe. Mais alors sur la saison 2, c’est signé en gros : “Bonjour, on lit Horion.”

Donc voilà, s’il nous entend celui-là, on est prêt hein ! On veut bien prêter l’œuvre en entier, pas juste un chapitre. Allez-y.

Du coup de l’animation 3D ? (intervention de LavisdeBen le goat)

Pour le coup, Arcane, il n’y avait rien à redire. C’était de la 3D, mais c’était magnifique. Et l’idée de mettre tous les FX en 2D, ça donne un cachet. Moi, ce mélange-là, je veux bien.
Tout en 3D, j’ai rien contre. Évidemment, tout en 2D, je prends en premier, mais là, le mélange qu’ils ont réussi à faire, il est parfait. Voilà, c’est ça. Eux, c’est vraiment l’exception.

Tiff : Puis le mélange des techniques aussi.

Enaibi : Non mais l’idée du mélange, les textures illustrées sur les persos et les FX en 2D, c’est un truc de fou. Je suis complètement fan de la technique.

Je passe un peu sur un autre champ qui est totalement à part. J’ai vu que vous aimiez la création de Doll. Est-ce que vous pensez un jour en faire quelques-unes à l’effigie des héros d’Horion ?

Ouais. Évidemment, évidemment, évidemment. En fait, de base, le craft en général, c’était un truc que j’adorais. C’est un truc sur lequel on s’est collé avec mes sœurs aînées quand j’étais toute petite et que j’ai jamais lâché. C’est pour ça que j’ai commencé à dessiner. Faire de la sculpture, de la pâte à modeler, tout ça, c’était le grand kiff pour moi. Il n’y avait rien de mieux. Plutôt que de m’acheter un jeu, il fallait m’acheter un paquet de pâte à modeler. C’était trop bien.

Et donc quand j’ai découvert l’univers des BJD — les fameuses dolls — ce que j’avais trouvé formidable, c’est que ça redonnait un coup de jeunesse aux poupées figées, pas très intéressantes quand on était gamin. Là, elles avaient un design extrêmement asiatique. L’intérêt des BJD a été relancé par le Japon avec la grande marque Volks. Et eux, la première chose qu’ils ont faite, c’est créer des modèles très esthétisés, à la japonaise. Ensuite, ils ont même fait des produits dérivés d’animés : des dolls à l’effigie de leurs personnages principaux, et tout.

Donc forcément, quand on aime le manga, et que quand on était gamine on rêvait d’avoir des garage kits ou des figurines — parce que c’est avoir le personnage “en vrai” — là, c’était encore mieux : c’était l’avoir en vrai, en grand, habillé, articulé. Donc ça a été irrésistible de s’y mettre.

Et évidemment, avec Horion, ça me prend beaucoup de temps, donc c’est pour ça que je peux pas le faire. Mais évidemment qu’en faisant ça, on n’a qu’une envie, c’est de créer le personnage avec ses petites fringues — enfin, un cosplay en poupée quoi.

Votre objectif artistique ? Un objectif à atteindre ?

Avoir une adaptation animée, j’aimerais bien. Ça voudrait dire que je suis assez bonne.

Non, mais après très honnêtement, le truc qui m’intéresse dans la démarche que je peux appliquer encore aujourd’hui, c’est de continuer à évoluer. Ne pas avoir l’impression de stagner. Alors, c’est pas un but précis en soi, mais tant que je peux encore apprendre de nouvelles choses et réussir à les restituer correctement, sans me sentir dépassée ou quoi que ce soit, moi je reste motivée. Tant que le dessin m’apporte toujours autant, c’est bon.

Mais j’ai pas de but arrêté. Je ne me dis pas : “Quand j’arriverai à ce truc-là, ce sera bon, j’aurai réussi.” Je pense que personne, en vrai, dans le monde artistique, ne pense comme ça.

Déjà rien que se dépasser, c’est un moteur. On se met des petites étapes, et à chaque fois qu’on en passe une, on voit déjà la suivante. C’est ce qui nous fait continuer à avancer, à vivre. C’est ce qui fait qu’on n’a jamais envie d’arrêter. On se dit toujours : “Ah tiens, demain je ferai ça.” Et dans le dessin, c’est exactement pareil. Il y a toujours quelque chose à apprendre, à mieux maîtriser. Toujours des petits détails à corriger, des aspects sur lesquels on ne s’était pas vraiment surpassé.

Là, par exemple, ce que j’aimerais, c’est mieux gérer mes décors, mes textures de décor. Les personnages, ça commence à aller, mais j’aimerais qu’ils soient encore plus expressifs. Ouais, c’est des petites choses comme ça qu’on peut toujours améliorer.

Et à chaque fois que je fais un nouveau tome, j’essaie d’améliorer un peu tout ça, pas à pas. Et je continuerai… jusqu’à ce que je tienne plus debout.

Est-ce que vous avez une idée de la durée de la série ?

Assez flou, honnêtement. Je pense que ce sera au moins dix tomes, et sûrement moins de vingt. Je sais pas, dix, douze, treize, quinze… quelque chose comme ça. J’en sais rien.

En fait, avec le scénario, on ne se coupe jamais de la possibilité d’avoir une nouvelle idée. Et à partir du moment où l’éditeur est d’accord, je vois pas pourquoi on s’en priverait. On n’a donc pas établi quelque chose d’extrêmement carré dès le départ, parce que faire du manga, c’est long — il faut au moins un an par tome. Les idées qu’on avait dix ans plus tôt, forcément, elles évoluent. Et figer ça, ce serait se priver de toute l’évolution qu’on a eue nous-mêmes en avançant sur la série.

Donc oui, on a une ligne directrice, mais elle peut bifurquer à tout moment. Pour l’instant, on suit cette trajectoire, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura que ça, ni que ce sera précisément en douze ou treize volumes. Je ne peux vraiment pas le dire.

Déjà, à la base, on devait s’arrêter à cinq tomes pour clore un premier arc, et finalement, on a rajouté des événements, donc ça fait sept. Et je sais qu’après le sept, c’est pas encore fini. Donc… on verra bien jusqu’où ça nous mène.

Et pour finir, si vous avez trois ou quatre mots pour convaincre nos lecteurs de lire Horion

Alors Horion, c’est un manga où vous pensez lire quelque chose et ce n’est pas ce que vous allez découvrir du tout.

C’est un manga qui est extrêmement intriguant et qui peut avoir plusieurs niveaux de lecture.

C’est un manga qui est extrêmement intriguant et qui peut avoir plusieurs niveaux de lecture. Donc c’est intéressant. C’est un manga qui se relie pour vraiment capter les subtilités.

Mais attention, quand je parle de subtilités, je ne parle pas de complexité. C’est des choses qui sont là, mais quand on lit une fois ou deux, des fois on passe complètement à côté et plus les tomes avancent et plus on fait « mais je l’ai pas vu arriver celle-là. Je ne sais pas comment c’est possible ». Aienkei travaille énormément ses scénarios comme ça. Ça pour moi c’est c’est ce qui en fait le sel.

Tiff: Je suis totalement d’accord. On s’attend à quelque chose et c’est pas ce qu’on lit.

Enaibi: Et même avec le design, il y a beaucoup de gens justement. Et c’est pour ça que j’avais rigolé avec Togashi parce qu’on nous disait « Ah, il ressemble beaucoup à Gon. » Ouais ben tu vas voir ce qui lui arrive. Ça ressemble pas à Gon. Mais ça, c’était notre petit clin d’œil à notre maître adoré.

Donc voilà, on a concédé cette image du shonen, qui elle lui-même était inspirée de Dragon Ball, qui lui-même est inspiré d’Astroboy, enfin une longue histoire d’héros de shonen.

Pour moi Horion c’est ça, c’est des surprises.

Donc on a voulu aussi lui faire notre hommage en incluant ce type de personnage mais c’est que physique en fait. Pour le reste de l’histoire justement, il lui arrive pas du tout les choses qu’on on était habitué à voir sur ce type de personnage. Donc voilà pour moi Horion c’est ça, c’est des surprises.

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