Mangas
ÓÐR (ODR) – Un seinen français brutal, poétique et bouleversant au cœur des terres nordiques
Ódr est un manga de Maxime Truc et Locass. Ce seinen édité chez Kana dans la collection Big Kana nous plonge dans un récit viking sombre, traumatique et profondément humain, où deux destins abîmés tentent de retrouver une lueur dans les ténèbres.



Le Synopsis
Au 9ème siècle après Jésus-Christ, dans les terres froides et reculées du nord de la Germanie, un illustre guerrier scandinave s’est retiré loin des conquêtes et des batailles sanglantes.
Mais un drame impliquant une jeune fille du village voisin va le sortir de sa retraite, et réveiller ses fantômes. La quiétude de la forêt va alors laisser place au bruit et à la fureur.

Mon Avis
Ódr frappe fort, et en plus cocorico c’est français !! Un “beau bébé”, comme on pourrait le dire : ici, on entre dans un monde rude, glacé, silencieux… un monde qui ne pardonne rien. Et honnêtement, dès les premières planches, j’ai compris que j’allais être happé. L’ambiance est incroyable. Les silences, les plans larges, les gros plans sur les animaux, les visages fermés, la forêt glaciale… tout respire la mélancolie, le danger, et ce froid nordique qui colle à la peau. On tourne les pages sans même s’en rendre compte, comme aspiré par cette mise en scène quasi cinématographique.


Le manga suit Gudbjörn, un ancien berserker brisé par la guerre, rongé par ses souvenirs, hanté par les massacres qu’il a commis. Un géant qui vit reclus dans la forêt, loin des hommes, dans l’espoir — futile — de trouver la paix. C’est un personnage magnifique dans sa douleur, presque mythologique, rappelant un Hercule nordique embarqué dans une existence qu’il n’a jamais vraiment choisie. Son traumatisme, traité avec une justesse rare, donne une dimension profondément humaine au récit : Ódr parle de violence, oui, mais surtout des cicatrices qu’elle laisse.
Son chemin croise celui de Syn, une jeune femme différente, mise à l’écart par son village, et dont le destin tragique est l’un des points les plus marquants du manga. Sans dévoiler le choc qu’elle traverse, on peut dire que sa souffrance nourrit une colère prête à tout dévorer. Sa route, croisée avec celle de Gudbjörn, crée une relation muette, presque spirituelle, qui donne au manga une beauté inattendue. Tous deux portent quelque chose de cassé, quelque chose de trop lourd pour un seul cœur, et c’est dans cette fêlure qu’Ódr trouve sa poésie.
Ce premier tome est dur, vraiment dur. Entre passages sanglants, violence graphique, tripes au sol, accès de folie… Ce n’est clairement pas un titre à mettre entre toutes les mains. Mais cette brutalité n’est jamais gratuite. Elle s’inscrit dans une ambiance pesante, poisseuse, où chaque geste semble avoir un poids et chaque silence, une histoire.
C’est un seinen qui prend son temps, qui respire, qui laisse la nature parler quand les mots ne suffisent plus.


Graphiquement, c’est un festival. Le trait de Locass est précis, dense, violent, mais aussi étonnamment apaisant lorsqu’il s’attarde sur la nature. On sent un illustrateur naturaliste derrière chaque arbre, chaque flocon, chaque bête.
Et quand les scènes de combat éclatent, tout devient nerveux, brutal, maîtrisé. C’est exactement le genre de manfra qui prouve à quel point la création française a explosé ces dernières années : ambitieuse, talentueuse, sans complexe.
Et honnêtement… ça fait du bien.
Ça fait du bien de lire un seinen français aussi intense. Ça fait du bien de voir un univers germanique/viking traité avec autant de sérieux, ça rappelle ces films nordiques un peu bruts que je regardais plus jeune. Et ça fait du bien de voir un duo d’auteurs qui envoie un tel niveau dès un premier tome.
Le scénario reste volontairement simple, sans rebondissements complexes, mais c’est un choix assumé : ce n’est pas une saga épique en 12 volumes. C’est un diptyque. Deux tomes seulement pour raconter une histoire dure, resserrée, presque intime. Et c’est très bien comme ça. Cette brièveté donne à Ódr une force supplémentaire : on sent que chaque scène compte, chaque respiration a un sens.
En refermant ce premier tome, on a le cœur serré, la tête pleine de neige, de sang et de regrets… mais aussi d’une étrange beauté. Ódr est un récit sombre, violent, chargé en émotions. Une pépite venue du froid, un manga français qui marque, qui secoue, et qui donne envie de foncer lire la suite, et cette suite arrivera car le manga se terminera en 2 tomes !
MA NOTE : 18/20
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