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Culture

Parcours au Cœur des Monts Ensanglantés : La Frappante Brutalité de l’Âme Humaine dans l’Œuvre de Shin’ichi Sakamoto 

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Né à Osaka, Shin’ichi Sakamoto est un mangaka né en 1972, à l’âge d’or du manga shonen et shojo. Il a fait ses débuts dans le Shonen Jump en 1991 et a fini par remporter un concours de manga au cours de sa troisième année de lycée. Il est surtout connu pour ses séries Innocent, Innocent Rouge et Ascension. Sakamoto était présent au FIBD d’Angoulême pour nous présenter sa nouvelle œuvre #DRCL, une réécriture du mythe de Dracula, publié en France par les éditions Ki-oon. 

Du Shonen au Seinen: Une œuvre en maturation

Dans le récit de ses entretiens, Sakamoto s’est plongé dans les méandres de son introduction au monde du manga. Une rencontre fortuite avec un exemplaire du Jump pendant ses premières années à l’école primaire a déclenché une fascination qui guidera son destin artistique. 

 La première page alors ouverte par le jeune Sakamoto fut une fenêtre vers l’univers de Fist of the North Star de Tetsuo Hara, une œuvre qui deviendra une source inépuisable d’inspiration, tant pour lui-même que pour d’autres éminents artistes tels que Hirohiko Araki et Kentaro Miura. 

ken le survivant fist of the north star vol 1

Parmi les trésors littéraires qu’il a découverts, Kinnikuman de Yoshinori Nakai et Takeshi Shimada, mieux connu sous le nom de Yudetamago, a également captivé son imagination. Contrairement à la brutalité graphique de Fist of the North Star, Kinnikuman était une oasis ludique conçue pour les jeunes esprits, offrant une palette d’aventures avec une dose modérée de violence. 

kiniikuman msucleman

 Les premières étincelles d’inspiration pour le style de son œuvre, Bloody Soldier, sont indéniablement liées à ces premières influences.  Son protagoniste principal porte les traces du Kinnikuman de Yudetamago, tandis que l’atmosphère générale s’inspire du monde créé par Hara. 

Cependant, le tournant artistique de Sakamoto intervient au milieu des années 2000, lorsque l’artiste délaisse le Shonen pour plonger dans des eaux plus profondes, plus matures. Il est ainsi publié dans le Young Jump, un des bastions du Seinen manga, qui devient alors le terrain d’exploration de Sakamoto. Ses œuvres Niragi Kioumaru (2004-2005) et Masuraou (2005-2006) révèlent cette métamorphose artistique. Son Niragi Kioumaru, bien qu’arborant une musculature stylisée, souvent caractéristique des shonen de l’époque, s’engage dans une dramatisation presque grotesque, évoquant les œuvres de Keisuke Itagaki (Baki the Grappler…). 

Itagaki se distingue par sa maîtrise de la musculature et sa capacité à pousser les limites de sa compréhension de l’anatomie humaine. Cette expertise transparaît de manière évidente dans la première incursion de Shinichi Sakamoto dans le monde du seinen, bien que l’on doive souligner que l’utilisation de l’anatomie par Sakamoto n’atteint pas les extrêmes observés chez Itagaki. Il opte ainsi pour une approche bien plus réaliste tout en accordant une attention minutieuse à la définition des corps des personnages. Cette évolution artistique témoigne de la maturité croissante de Sakamoto et de son désir de sonder les profondeurs narratives que lui imposait à l’époque le format Shonen. Il cherche ainsi à se rapprocher de la crudité de l’âme humaine et à ne plus caricaturer ses personnages. 

La première œuvre récompensée de Shinichi Sakamoto, Ascension (Kokou no Hito), représente un virage artistique radical par rapport à ses oeuvres précédentes. Passant d’un style grandiloquent, déchirant et brutal, il embrasse une approche désormais empreinte de lenteur, de méditation et d’humanité. Une collaboration significative avec l’écrivain Yoshirou Nabeda donne naissance à une adaptation manga du roman de Jirou Nitta, ancrée dans une réalité humaine poignante. L’intrigue, basée cette fois sur une personne réelle, explore des thèmes profonds tels que la dépression, la solitude et l’ambition, loin des décors ou des personnages irréalistes qui caractérisent ses autres créations. 

ascension planche

Ascension dévoile une facette inédite de Sakamoto, se concentrant sur la condition humaine et offrant aux spectateurs une plongée immersive dans la lutte et le triomphe d’une personne ordinaire. Dépeindre la réalité et la crudité de l’âme humaine devient alors une forme de leitmotiv créatif chez Sakamoto. L’œuvre se distingue également par l’utilisation emblématique de métaphores visuelles, une signature désormais associée au style distinctif du maître et une évolution artistique saisissante se révèle à travers le changement de son trait, passant d’un encrage aux bords durs à une technique au crayon plus subtile. 

Une observation attentive des couvertures des volumes 1 et 17 souligne cette transformation remarquable, témoignant d’une compréhension plus profonde du personnage par l’artiste. La différence frappante entre ces deux images souligne une progression artistique où Sakamoto a dessiné le personnage avec une admiration évidente et une maîtrise croissante de son propre style.

Couverture du tome 1 
Ascension Shinichi sakamoto
Tome 1
Tome 17

De l’Histoire à l’Horreur Il n’y à Qu’un Pas: Innocent et DRCL

Au sommet de son art, Shinichi Sakamoto dévoile son œuvre emblématique, Innocent, où sa maestria narrative et son talent visuel atteignent des sommets inégalés. Cette création puise son inspiration à la fois dans la réalité et dans un manga emblématique des années 70, La Rose de Versailles (Versailles no Bara) de Riyoko Ikeda, qui a également marqué Kentaro Miura par son aspect dramatique et sa profondeur émotionnelle. L’attrait de Sakamoto pour les récits esthétiques et singuliers ancrés dans la France du XVIIIe siècle trouve écho dans cette œuvre magistrale. 

la rose de versailles
La Rose de Versailles

Tout comme Ascension, Innocent s’appuie sur un livre préexistant, The Executioner Sanson de Masakatsu Adachi. L’histoire d’Adachi, fusionnée avec les compétences narratives de Sakamoto et son savoir-faire visuel, donne naissance à une œuvre véritablement exceptionnelle que je vous invite vivement à découvrir.  

the executionner sanson
The Executioner Sanson de Adachi

Dans Innocent, Sakamoto dévoile le fil conducteur de son exploration artistique, centré sur la représentation de la mort et de la beauté à travers l’utilisation métaphorique. D’une grande maitrise narrative, Sakamoto peint l’éphémère de la vie humaine avec beaucoup de nuances, de la mélancolieau grandiose. Les pages de ses œuvres, dépeignent un ballet poignant où les personnages surfent sur la vague de la vie, se déplaçant avec une imprudence à la fois inspirante et troublante, pouvant les mener à une fin prématurée, une vie sur le fil du rasoir. 

Cette contemplation artistique traduit visuellement l’essence de la citation « Vivez comme si vous alliez mourir demain », une maxime née de la nature éphémère de la vie. Cette philosophie, incarnée avec éclat dans les pages d’Ascension et d’Innocent, offre une expérience captivante, où chaque instant est une célébration poignante de la vie, à la fois revigorante et stupéfiante. 

Une autre caractéristique frappante de l’œuvre de Shinichi Sakamoto, réside dans l’absence délibérée d’effets sonores, laissant au lecteur la tâche d’imaginer les sons qui accompagnent l’histoire. Pour Sakamoto, cette approche repose sur la conviction que le lecteur est capable de mieux appréhender la texture sonore du monde narratif. En renonçant aux indications sonores explicites, Sakamoto offre une expérience immersive d’une réalité plus palpable, plus crue. 

Sakamoto est un artiste qui, malgré ses nombreuses références historiques et romanesques, est inscrit dans son époque et amène toujours beaucoup de modernité, de manière très fine dans ses œuvres de manière à mieux toucher son lectorat. Il ne se limite pas strictement aux faits historiques établis. À une époque où les femmes n’étaient pas autorisées à exercer la fonction de bourreau, Sakamoto façonne un univers où de telles barrières sociales sont transcendées. En documentant minutieusement de nombreux événements historiques survenus en France avant et après la Révolution française, Sakamoto insuffle à son œuvre une dimension alternative où l’imagination se mêle habilement à la réalité. « J’essaie toujours à travers mes mangas de m’attaquer aux clichés et aux idées reçues pour les remettre en question. » En lieu et place des adultes du roman de Bram Stoker, il met en scène des adolescents dans DRCL : « Ils ne sont ni adultes, ni enfants, et donc n’ont pas encore une vision très calée du monde. Cela m’a permis de lancer des questions à mes lecteurs à travers mes personnages qui sont en pleine exploration. Il y a par exemple le thème de la place de la femme dans la société, thème auquel je m’étais déjà attaqué dans Innocent et que je continue à présenter aux lecteurs du monde contemporain. Dans Dracula, je le fais avec le personnage de Mina qui vit dans l’Angleterre du XIXe, où les changements de la vie quotidienne sont importants. Elle va se battre avec ses connaissances plutôt qu’avec une violence pure et dure. (…) Jusqu’à présent, dans les œuvres de vampires, les victimes sont toujours de belles femmes, mais aujourd’hui je pense qu’on peut changer cette vision des choses. C’est pour ça que j’ai choisi d’introduire ce personnage de Luke/Lucy. Si on fait un parallèle avec le Covid (période avec laquelle il s’est familiarisé avec l’univers de Dracula. Ndlr), on voit bien qu’il s’attaque à n’importe qui. Je pense que c’est la même chose pour le personnage de Dracula, il peut toucher tout le monde, sans aucun rapport de genre ou de race. J’aspire à une nouvelle représentation des monstres comme King Kong – ils n’ont pas à s’intéresser qu’aux femmes. » 

Dans DRCL, Sakamoto utilise à nouveau ce qui est, à mon sens, une de ses marques de fabrique, le clair-obscur. 

En effet, les jeux de lumière sont dans le style de Sakamoto, un exemple de maitrise technique quasi inédite dans le manga moderne. Son travail sur les ombres et les lumières est à la fois une technique permettant de se rapprocher visuellement de ses inspirations photographiques ; Il a par exemple annoncé avoir été très inspiré par une série qu’il regardait enfant, qui avait peu de moyens mais dont le travail sur les lumières était édifiant ; 

Mais qui dessert également son intention narrative : “Plus les ténèbres sont profonds, plus la lumière paraît éblouissante, la douleur permet de rendre la vie plus palpable et c’est sous cet angle que je dessine mes mangas”. 

Il fait également une utilisation du flou jusqu’alors jamais vu. 

Quand la plupart s’en servent pour donner des impressions de perspectives et se rapprocher de plans cinématographiques, Sakamoto lui, préfère en user pour ne pas tout montrer et se rapprocher des clichés photos de l’époque qu’il met en scène. Les planches sont dessinées avec énormément de détails par ses assistants avant qu’il ne floute le tout sans vergogne aucune, usant de l’outil numérique avec grâce. Bien qu’ils fussent très réticents à cette pratique au départ, il nous confie qu’ils y trouvent désormais un certain plaisir coupable. 

Dans la danse infinie entre l’encre virtuelle et le pixel éphémère, l’aspect numérique de la technique de dessin de Sakamoto transcende les frontières traditionnelles de l’art graphique. Là où l’encre et le papier ont longtemps été les complices intemporels des artistes, Sakamoto s’aventure dans un royaume numérique, redéfinissant les contours de sa créativité: « La majeure partie des auteurs font du digital. Les outils analogues disparaissent petit à petit. Ça n’a pas été très difficile, un jour ou deux d’adaptation. Je ne peux pas revenir en arrière, c’est trop pratique ! La difficulté concerne le trait. Il ne faut pas ressembler aux autres. » 

#DRCL : Une Relecture Moderne du Mythe de Stoker

« L’histoire se passe à Londres, au XIXe siècle, en pleine pandémie de peste. J’ai trouvé que cela ressemblait beaucoup à notre situation avec le Covid. J’ai ressenti ça comme un signe du destin et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce manga, explique Shin’ichi Sakamoto. À l’époque, Londres est aussi en pleine révolution industrielle, et il y a le concept de ‘new woman’. Les nouvelles idées de l’époque m’ont paru actuelles, un monde où les valeurs changent. » 

Dans son nouveau titre, Sakamoto cherche à nouveau à s’inscrire dans son époque à travers une relecture de l’oeuvre de Stoker. Il modernise le mythe en interrogeant la place de la femme au sein d’une société patriarcale, abordant également les problématiques du harcèlement et de la crainte des épidémies. 

Tout débute avec l’équipage d’un navire russe faisant une découverte énigmatique : une cargaison inhabituelle, emplie d’une terre à l’odeur putride. Au fil des jours, des membres de l’équipage disparaissent mystérieusement, d’autres succombent à des transformations corporelles inquiétantes. À son arrivée en Angleterre, le vaisseau semble plus une épave flottante qu’un navire en état. La police se lance alors dans une quête des survivants, confrontée à une créature imposante, mi-homme mi-loup, qui jaillit sur le rivage avant de se fondre dans la nuit.  

Simultanément, quatre étudiants du réputé établissement Whitby sont témoins d’une scène terrifiante dans le cimetière de la ville : l’un de leurs camarades est violemment attaqué par une créature ténébreuse. Mina Murray, la seule fille de l’école, se dresse courageusement face à la bête pour sauver le jeune homme. Qui sont ces monstres énigmatiques ? D’où proviennent-ils ? Quelles sont leurs intentions obscures ? La bande d’adolescents s’engage dans une quête pour dévoiler les secrets qui entourent ces créatures mystérieuses. 

Graphiquement on ressent l’inspiration des costumes d’Eiko Ishioka, ayant contribué au Dracula de Francis Ford Coppola, ainsi que dans les ballets de Sergueï Polunin (Sakamoto entretient une relation étroite avec les notions de danse et de mouvement. Ndlr). Les décors, les mouvements orchestrés avec précision, et les vêtements des protagonistes sont méticuleusement conçus, offrant une esthétique saisissante et profondément réaliste.  

Costume d’Eikio Ishioka

En guise de conclusion, l’œuvre de Shin’ichi Sakamoto se dresse tel un joyau éclatant dans le panorama du manga, transcendant les contours conventionnels du genre pour captiver son auditoire. Une esthétique d’une finesse exceptionnelle, des personnages empreints de complexité et des thématiques contemporaines judicieusement tissées font de chacune de ses créations, avec #DRCL en nouveau-né, une pièce maîtresse de la scène manga. 

Les empreintes laissées par des influences artistiques prestigieuses, confèrent une qualité visuelle qui se distingue. Au-delà du simple récit horrifique, l’originalité de Sakamoto réside dans sa capacité à transcender les mythes, à inciter à la réflexion sur des problématiques sociales cruciales, créant des œuvres dont chaque page est une plongée réfléchie dans des mondes à la fois envoûtants et profonds. 

Ainsi, pour ceux en quête d’une expérience littéraire et artistique inégalée, se laisser happer par l’atmosphère envoûtante de l’univers de l’artiste s’avère une odyssée indispensable. Avec une palette aussi riche que nuancée, l’auteur s’affirme comme une voix singulière et incontournable dans la galaxie contemporaine du neuvième art. Que vous soyez connaisseur aguerri ou simple novice explorant les méandres du manga, l’œuvre de Sakamoto promet une aventure envoûtante, profonde et résolument exceptionnelle.  

Ronin Urbain

Poète, Moodboard Master, Fin tireur. J'aime bien ce qui est vieux, j'aime mieux ce qui est bien.

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9 Comments

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