Sun-Ken Rock – Au-delà des poings, une réflexion sur la société

Sun-Ken Rock est un manga de BOICHI. Ce seinen édité chez Doki Doki nous plonge dans l’univers violent et déjanté de Ken, un jeune homme Japonais qui débarque en Corée du Sud avec un seul but : retrouver l’amour de sa vie en devenant policier à ses côtés. Mais ses plans vont vite changer, et son destin va le propulser au cœur d’une guerre de mafias sans merci..

Le Synopsis

L’ascension fulgurante d’un gang de choc !

Kitano Ken, un jeune Japonais, débarque à Séoul avec un seul but : devenir agent de police comme Yumin, la fille qu’il aime. C’est le début pour lui d’une succession de galères… Alors qu’il pleure son désespoir au comptoir d’un resto ambulant, des mafieux s’en prennent au patron. Le sang de Ken ne fait qu’un tour et les coups pleuvent !

Ce que Ken ignore, c’est que Tae-soo, le boss d’un gang de quartier, a apprécié sa réaction et son ardeur au combat. Il compte bien l’enrôler. Bastons, jolies femmes et costards de marque: pour Ken, c’est le début d’une nouvelle vie mouvementée !

Mon Avis

Sun-Ken Rock transcende le simple cadre du manga d’action pour se muer en une réflexion profonde sur la société, la justice, le pouvoir et les relations humaines. Derrière les combats spectaculaires et l’humour décapant se cache une œuvre complexe qui interroge notre rapport à la violence, à la loi, et à nos semblables.

Un miroir de la société coréenne

Boichi dresse un portrait sans concession de la société coréenne, avec ses ombres et ses lumières. Le monde de Sun-Ken Rock est un microcosme où se croisent les différentes classes sociales, les gangs, la mafia et l’État. Le manga ne se contente pas de décrire ces milieux, il les critique avec une acuité qui dérange.

Loin de se limiter à des affrontements sans fin, Sun-Ken Rock développe une intrigue riche et complexe, mêlant romance, trahison et quête de rédemption. Les personnages, tous plus attachants les uns que les autres, évoluent au fil de l’histoire et nous surprennent par leur profondeur psychologique.

Boichi nous offre un spectacle visuel époustouflant, avec des combats chorégraphiés à la perfection et des personnages hauts en couleur. L’humour noir est omniprésent, il parvient à détendre l’atmosphère et à créer des moments mémorables. Le manga ne lésine pas sur les scènes d’action brutales, mais il sait aussi faire preuve de tendresse et d’émotion.

Justice et vengeance : un équilibre fragile

La quête de justice est au cœur de Sun-Ken Rock. Ken, le protagoniste, est animé par un désir de justice qui le pousse à se battre sans relâche. Cependant, le manga ne nous propose pas de réponse simple à la question de la justice. Au fil de son parcours, Ken se rend compte que la violence engendre la violence et que la vengeance ne peut apporter un véritable apaisement.

Le personnage de Tae-soo, boss de mafia avant Ken, est également intéressant à cet égard. Bien qu’il soit un criminel impitoyable, il possède un certain code d’honneur et une vision de la justice qui lui est propre. Cette ambiguïté permet de complexifier les enjeux et de remettre en question nos notions de bien et de mal.

La notion de famille est centrale dans Sun-Ken Rock. Ken, malgré son apparence brutale, apporte + que personne de l’importance à la loyauté, et aux notions d’amitiés. Avec la Sun-Ken Rock Team, il construit une nouvelle famille avec ses compagnons d’armes.

Le gang de Tae-soo devient une sorte de famille pour Ken. Les liens qu’il tisse avec ses camarades sont forts, mais ils sont aussi fragiles. La mort de certains membres du groupe le marque profondément.

Les notions d’amitiés, et de loyauté, sont énormément mise en avant ! Le côté « Sun » de Ken Kitano, c’est d’essayer de voir le meilleur dans ses amis, de croire en eux, d’être une force qui les protège, et ce, même si certains lui tournent le dos, le trahissent, et profitent de sa bonté par intérêt ! Il ne s’efforcera pas de fermer les yeux, mais de faire réagir sa « famille » pour les remettre sur le droit chemin, et faire ressortir le meilleur d’eux ! C’est ça, Ken Kitano !

La force des faibles face au pouvoir

Sun-Ken Rock célèbre l’esprit de rébellion et la force des faibles face au pouvoir. Les personnages secondaires sont autant de figures qui luttent pour leur survie dans un monde hostile. Leurs histoires personnelles nous rappellent que même les plus faibles peuvent avoir un impact significatif sur le monde qui les entoure.

Un arc entier sur la K-pop est présent dans l’œuvre, et la dépeint comme une industrie impitoyable, où les artistes sont réduits à l’état de produits consommables. Boichi dénonce les dérives de cette industrie et les pressions exercées sur les jeunes artistes.

Dans Sun-Ken Rock, la notion de pouvoir est omniprésente et hiérarchisée. Les gangs, la mafia et l’État se livrent une lutte sans merci, on le comprend vite au fil de la lecture, comme le dit Tae-Soo : l’état fonctionne comme une mafia.

Le désir de liberté et d’autonomie est un moteur puissant qui pousse les faibles à se rebeller contre l’oppression. Les personnages de Sun-Ken Rock sont souvent animés par une soif de justice qui les pousse à prendre des risques inconsidérés. Un arc entier sur des personnes immigrés traite ce thème… mis à l’écart par la société coréenne, devenus des rebus bien malgré eux, tentant de s’en sortir, car cette même société les a mis à genoux sans ne leur laisser aucune chance !

Un style graphique au service du récit

Le dessin de Boichi est un élément essentiel de la réussite de Sun-Ken Rock. Son style dynamique et expressif permet de rendre les scènes d’action particulièrement spectaculaires. Les expressions des personnages sont saisissantes et contribuent à renforcer l’émotion ressentie.

On découvre dans la deluxe toute la méthodologie de Boichi pour arriver à ce résultat, comme le photo réalisme, ou la dévotion sans faille de ses assistants pour mimer certaines scènes de combat !

Une fin douce et amère

La fin de Sun-Ken Rock a fait couler beaucoup d’encre. Certains l’ont jugée trop « bisounours » par rapport au ton général de l’œuvre. Pourtant, cette conclusion est parfaitement cohérente avec le parcours de Ken.

Après avoir traversé tant d’épreuves, il reste fidèle à lui même, en refusant de se venger, mais est pourtant totalement changé. Deux de ses compagnons sont morts, un autre est présumé mort, il a passé 14 ans à conquérir le monde par amour pour une fille qui l’a trahie, et envers qui il a hésité à se venger si elle n’éprouvait pas de remords. Et pour finir, le Ken « Sun » est désormais froid comme la glace.

Cette fin, loin d’être naïve, est une conclusion tragique et réaliste pour un personnage aussi marqué par la violence. Ken le sait, la seule chose sur la quelle il peut compter, c’est son corps !

Sun-Ken Rock est bien plus qu’un simple manga d’action. C’est une œuvre complexe et ambitieuse qui interroge notre société et notre humanité. Bien que certains aspects puissent diviser les lecteurs comme les scènes un peu trop subjectives, il n’en reste pas moins une œuvre majeure du manga contemporain, et à mes yeux, un de mes mangas favoris, un véritable coup de cœur !

MA NOTE : 19/20